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Santé: La Tunisie, destination privilégiée pour l'achat de médicaments

par Lahouari Bouhassoune

Profitant de la saison estivale, les Algériens traversent la frontière terrestre entre les deux pays pour rejoindre la Tunisie, pour une ordonnance. Le déplacement peut paraître surprenant pour un tel motif. Pourtant, selon les témoignages recueillis auprès de nombreux estivants, les produits pharmaceutiques, outre leur disponibilité, sont jugés moins chers et «plus efficaces» de l'autre côté de la frontière. Il est effectivement avéré que leurs prix sont plus bas, pour certains produits, qu'en Algérie. La restriction de la liste des médicaments autorisés à l'importation en Algérie, ainsi que la généralisation du «générique», font que les patients se rabattent sur les officines tunisiennes, c'est-à-dire au pays où la politique du médicament, appliquée depuis de longues années, maintient les prix à la consommation au montant négocié à leur première mise sur le marché. Le touriste algérien, profitant de son voyage en Tunisie, met à profit cette politique pour se ravitailler en médicaments nécessaires. S'agit-il d'un système qui sied aux besoins de nos compatriotes ? En Tunisie, cette politique du médicament qui fait aussi de ce pays maghrébin une destination privilégiée des «touristes médicaux» est ainsi expliquée : le différentiel afférent à l'augmentation progressive des tarifs, au fil des années, est alors compensé par la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT), sur ses propres fonds. Ce modèle, unique au monde, est recommandé par l'OMS pour favoriser l'accès aux médicaments des populations démunies. La Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) donne une connotation assez particulière, dans le bon sens s'entend, au monopole. Seul habilité à importer les produits pharmaceutiques dans le pays, cet organisme public assume sur ses fonds le différentiel, entre les tarifs négociés avec les fournisseurs et les prix officinaux. Et c'est ce système de compensation, jusqu'alors exclusif à la Tunisie, que l'OMS veut donner en exemple. Pourtant, en dépit d'une trésorerie en zone rouge, les autorités tunisiennes n'ont pas souhaité renoncer à un modèle de politique d'importation des produits pharmaceutiques unique au monde jusqu'alors: soutenir les prix, à la vente en pharmacies d'officines, des médicaments, des dispositifs médicaux et des réactifs, à des taux proportionnels à la durée de leur mise sur le marché local, qui peut atteindre les 30%.

Ce système profite à tous les consommateurs, qu'ils soient des Tunisiens, assurés sociaux ou pas, ou des étrangers, qu'ils se soignent dans des structures publiques ou privées. Et c'est justement cet aspect du système qui le rend si intéressant. Les dépenses de la santé représentent actuellement en Tunisie, selon des opérateurs dans ce segment d'activité, environ 6% du PIB (Produit intérieur brut). Le médicament y représente pas moins de 20%. Le chiffre d'affaires de la PCT à l'importation est du domaine public. Il est de l'ordre de 92 millions d'euros (médicaments, dispositifs et parapharmacie). La PCT opère avec 264 groupes pharmaceutiques. L'appel d'offres est effectué quand la DCI est présente avec 3 ou plus de fournisseurs. Sinon la PCT importe sur un système de commande ferme. La Pharmacie centrale de Tunisie joue, à ce titre, le rôle de centrale d'achat au profit des hôpitaux et des pharmacies d'officines. Elle applique un mécanisme de compensation qui stabilise les prix de vente aux grossistes et au public des médicaments disponibles en pharmacies d'officine. « Ce mécanisme est basé sur la prise en charge de toute augmentation du prix du médicament importé par la structure chargée de la centralisation des achats. En effet, cette dernière réinjecte directement dans le système d'approvisionnement les bénéfices générés par l'ensemble de son activité commerciale d'importation dans le but de maintenir l'accessibilité des médicaments essentiels», affirme-t-on.

Ainsi, en 2014, l'impact de cette compensation a atteint 98 millions de dinars tunisiens. En parallèle, la PCT a réalisé, en 2015, quelque 92 millions de dinars tunisiens de bénéfices (environ 45 millions d'euros). C'est donc pour de très bonnes raisons que l'OMS recommande vivement de prendre le modèle tunisien pour exemple. D'autant que l'accès équitable aux médicaments est l'une des recommandations majeures de l'Organisation mondiale de la santé.