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Rapatriement des harragas algériens en Belgique: Les précisions d'Alger

par Moncef Wafi

Alger n'a pas attendu longtemps pour répondre aux critiques de Theo Francken, le secrétaire d'État belge à l'Asile et à la Migration, sur l'absence d'accord liant les deux pays concernant les réadmissions des clandestins algériens.

L'ambassadeur d'Algérie auprès de la Belgique, Amar Belani, a indiqué que la coopération entre les deux Etats «existe» la jugeant de «pragmatique» et «constructive». Theo Francken avait déclaré aux lendemains de l'attaque de Charleroi commise par un Algérien en situation irrégulière en Belgique que «les retours forcés vers l'Algérie restent problématiques», précisant que malgré des années de négociations européennes et bilatérales, aucun accord ne lie Alger à Bruxelles.

Le diplomate algérien a réagi à cette polémique en marge de sa visite à Charleroi où il s'est rendu pour apporter son soutien à la famille de l'une des deux policières blessées dans l'attentat terroriste à la machette survenu samedi dernier. Amar Belani a tenu à condamner l'«abjecte» attaque, affirmant que l'Algérie se trouve des deux côtés de cette tragédie. «On est des deux côtés entre cet agresseur immonde qui est de nationalité algérienne et cette victime innocente qui est Belge d'origine algérienne», a-t-il expliqué.

Ce n'est pas la première fois qu'Alger se retrouve au banc des accusés concernant ses ressortissants en situation irrégulière en Europe. Berlin avait déjà ouvert ce dossier à la lumière de la rencontre entre Sellal et la chancelière allemande Merkel sur fonds des agressions à caractère sexuel des fêtes du Nouvel an à Cologne. La diplomatie algérienne a balayé, preuves à l'appui, les déclarations du sulfureux nationaliste flamand, membre du NVA qui, pour dédouaner ses services, a ouvertement critiqué Alger. Evoquant l'auteur de l'attaque «objet de deux ordres de quitter le territoire, en 2012 et 2014», il accuse l'Algérie «un pays avec lequel la collaboration est particulièrement difficile» de ne pas jouer le jeu. Pire, il n'hésite pas à suggérer que l'Algérie «réticente à reprendre ses nationaux» flirte avec la mauvaise foi. «Les autorités prétendent souvent que les personnes concernées sont marocaines. Et comme ces personnes n'ont pas de papiers, ou prétendent ne pas en avoir, l'identification est très difficile», a encore déploré Theo Francken. Le Premier ministre belge, Charles Michel, avait fait part également de négociations avec les pays d'origine des traités de réadmission pour organiser ces retours «mais ce n'est pas simple, beaucoup de pays sont réticents». Le chef de la mission diplomatique algérienne en Belgique a tenu à remettre les points sur les i à propos de cette question, battant en brèche les assertions du secrétaire d'Etat. Il a d'abord précisé que l'Algérie «n'a pas besoin d'accords bilatéraux de réadmission» rappelant sa «bonne» coopération «avec tous les pays en matière de réadmission de ceux qui séjournent de manière irrégulière». Pour preuves, l'ancien porte-parole des Affaires étrangères, révélera à la presse belge qu'en 2015, 155 Algériens en situation irrégulière en Belgique ont été rapatriés vers l'Algérie en coordination avec les services consulaires algériens. Il explique que dans ces cas-là, «on avait été saisi et il y avait un travail qui avait été fait avec l'Office des étrangers». Alger explique que lorsque ses services consulaires sont consultés, les rapatriements sont exécutés suivant une procédure établie. «Dans ce genre de situation, notre procédure c'est d'envoyer un agent consulaire interviewer l'intéressé pour pouvoir recueillir un maximum d'informations sur lui afin de diligenter en urgence une enquête en Algérie» pour confirmer son identité et l'évacuer en Algérie «avec le premier avion disponible».

Belani répondra également à Francken notant que beaucoup de Maghrébins se débarrassent de leurs passeports en arrivant en Belgique et «se disent ensuite Algériens alors qu'ils sont Marocains ou Tunisiens». Quant à l'auteur de l'attaque de Charleroi, il a précisé n'avoir «absolument reçu strictement aucune demande, aucune sollicitation de la part de l'Office des étrangers quant à son identification comme étant un Algérien et, à plus forte raison, nous n'avons rien reçu quant à l'exécution de la mesure d'éloignement vers l'Algérie». La réponse limpide d'Alger renvoie Bruxelles à ses responsabilités. Belani enfoncera encore le clou estimant que «si la Belgique en avait fait la demande, Khaled Babouri aurait eu toutes ses chances d'être rapatrié dans son pays natal». Rappelons que l'Algérien de 33 ans n'avait pas respecté deux ordres de quitter le territoire belge. Celui qui résidait illégalement à Farciennes depuis 2012 a été tué samedi après l'attaque revendiquée par Daech. Même s'il n'était pas connu des services de renseignement, il avait déjà eu affaire à la justice belge pour des faits de délinquance de droit commun. C'est notamment ce qui lui avait valu la délivrance d'un ordre de quitter le territoire. Même si aucun chiffre officiel ne renseigne sur le nombre exact des harragas algériens en Belgique, les médias évoquaient 2.636 personnes, des sans-papiers algériens appréhendés par les autorités belges durant les 6 premiers mois de 2013, selon un rapport de la secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Maggie De Bloc. En 2015, selon des sources de la communauté algérienne établie en Belgique, plus de 50 Algériens étaient en détention provisoire dans ce pays, accusés de séjour clandestin et violation des lois belges sur l'immigration. Ils avaient été arrêtés après des contrôles aléatoires en possession de fausses pièces d'identité.