Souvent, l'être humain s'agrippe aux souvenirs qui lui ont laissé des impressions de bien-être et tente d'effacer de son vécu ceux qu'il a subis. C'est pourquoi dans les discussions de tous les jours, le contraste est bien plus net entre un passé idéalisé, mais tronqué, et un présent rechigné à tort. Oui à tort ; sinon, souvent à tort ! Quoi qu'on en dise, hier n'était pas plus agréable à vivre qu'aujourd'hui. Non, nous ne sommes pas nés avec des cuillères d'argent dans la bouche. Non, nous ne partions pas, par millions, passer des vacances en Tunisie. Non, nos rivages n'étaient pas bondés de parasols et de chaises de plage. Non, le trafic routier n'était pas saturé de voitures étincelantes. Non, les restaurants des pêcheries n'étaient pas bourrés de clients en attente d'une table libre. Non, les Algériens ne faisaient pas leurs courses dans les hypermarchés en caddy à ras bord?

Ce qui inspire ces mots d'humeur, ce sont ces enfants africains venus du bout du monde, au risque de leur vie, transhumer de désert en désert, jusqu'à ce qu'ils découvrent l'opulence matérielle dans l'Éden ignoré de ceux qui l'habitent. Ces petits africains, mal vêtus, pieds nus, frêles, pointés en sentinelles aux carrefours des feux tricolores, chapelet entre le pouce, l'index et le majeur, récitant des mots d'arabe incompris en guise de salamalecs et de remerciement pour une pièce d'aumône, nous rappellent les malheurs des autres mais ne devraient en aucun cas nous faire oublier les moments difficiles qu'ont connus, dans un passé récent, beaucoup d'Algériens.

Certes, tout n'est pas rose, mais tout n'est pas noir non plus. Bien que la mer soit agitée ces jours-ci et que le vent charrie le sable et fait souffrir les parasols, ceci ne nous a pas empêchés de prendre un bon bol d'air marin et une succulente paella, même si celle-ci n'a pas le goût de la vraie, celle de Valence. Comme quoi, on s'estime heureux de se contenter de ces moments de quiétude que beaucoup de peuples n'en ont pas en ces temps de tempête qui souffle le désastre et le chaos.