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Aïn Kercha partagée entre «Sid erraïs» et «Oulid bladna»

par Ghania Oukazi

La journée que le 1er ministre a passée aux côtés des Chaouias a été une belle occasion pour renouer avec une région de l'est du pays qui, à un certain moment, l'a boudé parce qu'il avait titillé son affectivité.

Abdelmalek Sellal l'avait fait avec une envolée qu'il est le seul à avoir pour confirmer son caractère d'homme qui a toujours le mot pour rire même dans les pires situations. Si les observateurs avaient avancé jeudi dernier que Sellal allait passer un test « d'amitié » ou de « réconciliation » auprès des Chaouias, ils se seraient certainement rendu compte qu'il l'a bien réussi. Son passage entre autres par le centre-ville de Aïn Kercha l'a rassuré même si les citoyens qui avaient tenu à le voir passer dégageaient une incitation frôlant de très près la provocation. Après avoir achevé sa visite dans la wilaya d'Oum El Bouaghi, le 1er ministre s'est dirigé jeudi dernier, en fin d'après-midi, vers l'aéroport Mustapha Ben Boulaïd de Batna pour rejoindre Alger. A la grande surprise de la délégation officielle, les habitants de Aïn Kercha étaient sur le qui-vive pour l'accueillir avec ce que cela pourrait sous-entendre tout à la fois comme cris de joie, de colère, de revendications, de reproches et d'amitié. Il faut reconnaître que le cordon sécuritaire au vrai sens du terme n'était qu'une fine corde verte séparant la rue des abords où se tenaient debout des milliers de citoyens. « Fonceur » qu'il est, Sellal demande à s'arrêter pour les saluer. « Sid Erraïs ! Sid Erraïss ! », répétaient-ils à tue-tête. Tous voulaient s'approcher de lui. Sa main a été même quelque peu griffée tant la foule se bousculait dans tous les sens. Pourtant, face à cette fougue, il semblait plutôt rassuré parce que la région lui est très familière. Il parle même chaoui. Mais à un moment, l'on a pensé qu'un envahissement imprévu allait prendre en étau le cortège officiel. Le 1er ministre est entouré par sa garde et ramené très vite vers son véhicule. Aux côtés de quelques «Benflis président !», il entendra encore des «Sid Erraïss!» qui lui étaient adressés de partout. Le plus impressionnant est que Abdesselem Bouchouareb sera accueilli comme un héros. Là aussi, on n'avait pas compris s'il s'agissait d'une amitié ou d'une colère. Mais on est fixé par les voix qui s'élevaient pour lui souhaiter tout le bien. «Bouchouareb! Oulid Bladna!», criaient des jeunes de toutes leurs forces tout en voulant s'approcher de lui. Enfant de Aïn Kercha, il aurait même proposé au 1er ministre que le déjeuner se fasse dans son «aârch» mais ce dernier aurait refusé.

«Je vous promets une visite à Batna»

Ce qui est sûr, c'est que le ministre de l'Industrie et des Mines était heureux de la ferveur que lui ont dégagée « Ouled Bladou» (les enfants de sa ville).

Le mouvement de la foule a voulu «gêner» les journalistes (femmes en évidence) qui étaient descendues tout autant que leurs confrères des véhicules pour «comprendre» ce qui se passait. « Protégez les journalistes, il faut les encadrer !», lançait Mohamed, le protocole du 1er ministre, lui aussi originaire de la région. «On aime beaucoup le président Bouteflika ! », lance un jeune citoyen aux journalistes qui avaient rejoint difficilement le véhicule. Il faut reconnaître que ce n'est pas la seule localité chaouie où Sellal s'était rapproché d'une foule en effervescence. A sa sortie de la clinique privée à Aïn Beïda, il est allé à sa rencontre pour donner quelques poignées de main. « Yahia Sellal ! », lançaient les jeunes. «Enta adhim, rana maâk !», lui promettent d'autres. «Aïn Beïda Wilaya !», lui réclament-ils tous.

Lorsqu'il a salué les élus de la région de Batna, le 1er ministre leur a précisé que «je suis venu juste pour vous saluer, mais je vous promets d'effectuer une visite à Batna». Dans toutes les haltes qu'il a eues, il restera fidèle à ses digressions cocasses.

Quand il a honoré les doyens d'Oum El Bouaghi, il s'est adressé au moudjahid de 107 ans pour lui dire « si tu veux, je te marie avec El Hadja (116 ans, ndlr) ». Mais il n'aura aucune réponse. Il ajoutera alors «tu ne réponds pas, je t'ai compris». A sa visite de la clinique privée, il demandera devant un petit groupe de journalistes «celui qui est enceint, il monte pour se faire ausculter».

Au niveau du barrage de Koudiet El Medouer, il dira à une députée « il faut garder la taille que vous avez, Allah Ybarek, Echham mghatik mlih (la graisse t'enveloppe bien ndlr) ». Cette remarque, Sellal l'a faite devant une table garnie de spécialités de la région (erfiss, el khbiz, el kesra, le succulent abricot...). A la vue des grains de pins d'Alep, Sellal demandera « qu'est-ce que c'est ? ». La députée lui répond « c'est du scoco avec du miel ». Il lui lance «vous me prenez pour un oiseau ? Vous pouvez en manger, ça vous donnera des forces?» Un responsable nous dit «sans ces pointes amusantes, le 1er ministre ne s'appellera pas Abdelmalek Sellal». Encore une fois, il demandera aux autorités locales de reprendre en main le patrimoine de Aïssa El Djarmouni, le grand interprète de « Ya Aïn El Kerma, aâtini lakhbar » qui représente, a-t-il dit, « une référence importante pour la culture algérienne ».