Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le loup solitaire

par Moncef Wafi

La tuerie de la promenade des Anglais à Nice a ce quelque chose de tragiquement comparable à la fusillade d'Orlando en juin dernier. De par la nature solitaire du passage à l'acte au profil du terroriste. Le monde, et particulièrement la France, fait face à ce que les spécialistes du terrorisme appellent le «solo-djihad», un nouveau concept adopté pour qualifier un «terrorisme de franchise» qui met de plus en plus à mal les services de renseignement et fauche en gros les vies d'innocents citoyens. «Loup solitaire», «terrorisme de troisième génération», l'Europe est victime de sa propre politique de lutte contre le terrorisme international. De par leurs décisions souvent controversées dans l'engagement de leurs troupes dans des pays qui faisaient rempart aux groupes djihadistes, l'Europe, la France en tête, a brisé un équilibre fragile qui leur épargnait un terrorisme domestique.

Les populations civiles sont les premières à en souffrir. Rien ne sert de revenir en arrière et de rappeler les dégâts occasionnés par les chutes de Saddam et de Kadhafi et de la guerre menée contre El Assad mais pour comprendre ce qui s'est passé à Nice et un peu partout en France, il faut s'interroger sur la permissivité des services de renseignement français, sous l'impulsion des politiques, d'ouvrir la porte du jihad aux activistes islamistes français. Cette afghanisation, qui rappelle étrangement le même processus vécu en Algérie, a permis aux jeunes Français de s'aguerrir au contact des vétérans islamistes et de faire le plein d'un radicalisme contagieux.

La France doit faire face à ses djihadistes, alimentés par une politique sociale désastreuse. L'échec de l'assimilation à la française a enfanté une génération sans repères identitaires qui s'est tournée vers un radicalisme religieux qui les a précipités sur la voie du non-retour. Le passage à l'acte solitaire répond à des impératifs dictés par la hiérarchie de l'EI qui a demandé à tous les éventuels kamikazes de frapper quels que soient le lieu et la manière. D'où cette grande menace et cette crainte des services de renseignement qui se retrouvent à suspecter tout citoyen sur la base de sa religion. Daech a finalement fait de tout musulman lambda un potentiel suspect d'attentat terroriste à la plus grande joie de tous les racistes du monde.