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La France face au syndrome terroriste

par Mahdi Boukhalfa

Mohamed Bouhlal Lahouaeidj, ce Franco-Tunisien qui a fait une véritable hécatombe à lui tout seul jeudi soir sur la célèbre Promenade des Anglais à Nice, a-t-il agit seul ou avec des complicités dans une attaque dont le caractère terroriste reste à déterminer ? C'est en gros le travail que sont en train de mener les services de sécurité français, c'est-à-dire savoir si oui ou non l'attaque de jeudi soir contre plus de 30.000 paisibles promeneurs et touristes venus assister au traditionnel feu d'artifice de la fête du 14 Juillet est un acte terroriste. Car en off de ce qui s'est passé jeudi soir à Nice, c'est un peu le syndrome de Khaled Kelkal, Lionel Dumont, Mohamed Merah, Richard Robert, Hervé-Djamel Loiseau et Zacarias Moussaoui qui réapparaît.

La France a ses propres enfants qui ont basculé dans le terrorisme, avec les raisons que tout le monde connaît. Pas connu des services de renseignements français, mais par la police pour de simples délits de droit commun, l'acte génocidaire de Bouhlal pose problème, car s'il n'a visiblement pas le profil d'un terroriste, il annonce par contre par son acte des lendemains inquiétants pour les services de sécurité français, qui doivent composer non seulement contre les cellules dormantes d'Al-Qaïda et celles de l'Etat islamique, mais également avec tous ceux, fragiles ou non, susceptibles de basculer du jour au lendemain dans la violence terroriste. A titre individuel ou encadrés par des cellules terroristes actives en Europe, et pas seulement en France. La coïncidence des festivités du 14 Juillet avec cette tuerie dont le mode opératoire n'a jamais été enregistré jusque-là, même avec ces armes factices trouvés à l'arrière du camion, est également un indice qui renvoie à une stratégie, un plan d'attaque, car cette nuit-là, sur la Promenade des Anglais, il y avait foule. Pour les autorités françaises, même sans revendication de cette attaque qui a déjà fait 84 morts, et un nombre choquant d'enfants morts et blessés, il s'agit évidemment d'un acte terroriste. François Hollande affirme qu'il s'agit d'une « attaque dont le caractère terroriste ne peut être nié ».

Ou bien s'agit-il d'un acte isolé ? Auquel cas, c'est toute la stratégie de lutte antiterroriste qui est dangereusement menacée. Sinon comment interpréter la présence d'armes factices dans le camion, des grenades en carton pâte bonnes à faire peur aux enfants ? Par contre, la détention d'une arme à feu par Mohamed Lahouaeidj pose la question de la thèse de l'attaque terroriste préméditée et préparée, sinon comment interpréter qu'il ait loué un camion pour mener son attaque, alors qu'il est chauffeur livreur, et donc dispose d'un camion de livraison ?

Il ne fait aucun doute que la France, et l'Europe, sont entrées dans une phase critique de cycles d'attentats terroristes dont le mode opératoire est chaque fois étrange, déroutant. Mais terriblement meurtrier, imprévisible, déstabilisant. En allant exporter une démocratie européenne dans des régions politiquement encore instables, économiquement faibles, en formant et en armant des mouvements rebelles en Afrique et au Moyen-Orient, l'Europe, l'Otan et la France s'exposent dès lors à des attaques de représailles de groupes terroristes dont les armes proviennent souvent des arsenaux des pays de l'OTAN.