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Bourse: La cimenterie de Aïn Kebira en difficulté ?

par Z. Mehdaoui

Près d'un mois après l'introduction en Bourse de la cimenterie de Aïn Kebira, les résultats sont dramatiques.

En effet, le lancement de la souscription à travers plus de 2.000 guichets bancaires n'a pas atteint les objectifs escomptés. Pis, le résultat, 22 jours après l'introduction, est extrêmement bas, soit environ 3,4%, sachant que pour être validée l'opération doit réussir à lever au moins 20% du montant. Des rumeurs circulent sur la place qu'il y aura une intervention de GICA (Groupe industriel des ciments d'Algérie) ou des institutions publiques pour sauver l'opération mais cela ne sera qu'un remède conjoncturel et une fuite en avant, estiment les spécialistes qui rappellent que les autorités avaient annoncé l'introduction en Bourse de 7 autres titres publics dans les prochains mois, à savoir CAAR, CPA, Mobilis, Cosider, Hydroamenagement...ce qui soulève de nombreuses interrogations. «Au moment où les banques sont mises sous fortes pressions pour la réussite de l'emprunt obligataire et le pouvoir d'achat des ménages très fragile, introduire de nouveaux titres dans cette ambiance est risqué et ne servira à rien sauf à jeter de la poudre aux yeux », nous confiait hier un expert. Pourquoi un tel échec pour une entreprise dans un secteur marchand qui est pourtant très porteur ?

«A notre humble avis, le premier problème est le manque de confiance et la non résolution du problème de la liquidité de la place boursière algérienne», nous dira notre interlocuteur qui veut garder l'anonymat.

«Certes il y a un certain nombre de décisions à prendre au niveau de la COSOB, SGVB et IOB, notamment le système du fixing, le nombre de séances, l'ouverture de point Bourse etc. Mais cela reste technique et n'influera aucunement sur la dynamique du marché en l'absence de la décision politique qui donnera la garantie et l'obligation aux managers des institutions financières de s'impliquer directement et financièrement dans la dynamisation de la Bourse d'Alger », ajoute l'expert qui souligne qu'il faut d'abord régler le problème majeur de la pénalisation de l'acte de gestion des managers. «Un manager qui prend la décision de s'impliquer financièrement dans l'animation boursière pourra faire des bénéfices comme il pourra faire des pertes, s'il fait des bénéfices, personne ne lui dira bravo mais s'il fait des pertes même relatives, il se pourrait que quelqu'un interprète cela comme une dilapidation de deniers publics et il sera passible de poursuites en pénal », explique notre interlocuteur qui renchérit en notant que le deuxième problème est de prendre soit un texte législatif à travers la loi des finances ou à travers les différentes assemblées générales des institutions financières nationales présidées par le Premier ministre ou le ministre des Finances et réserver un pourcentage de 1 à 3% du chiffre d'affaires de ses institutions pour l'animation boursière. Notre expert donnera, par ailleurs, l'exemple d'un pays comme la France des années 80 qui avait pris la même décision d'impliquer les banques et toutes les institutions financières dans l'animation financière de la Bourse de Paris.

D'autres pays avaient également pris la même décision courageuse politiquement et cela a fait qu'ils ont aujourd'hui non seulement une Bourse dynamique, bénéficiaire et qui contribue à la politique économique entraînant un marché financier très dynamique qui accompagne toute l'activité économique du pays.

Pourquoi alors Aïn El Kbira a échoué ?

Selon lui, le timing des autorités n'est pas bon, à la veille du mois de ramadhan et du départ en vacance,ce qui fait que les banques sont pressées de réussir l'emprunt obligataire. « Il y a une rupture grave des petits investisseurs algériens et de la Bourse à cause du problème de la liquidité des titres, de la non implication des IOB publics, l'absence de prise en charge des investisseurs auprès des guichets etc.», explique encore l'expert.

D'après lui, l'arrivé en 2009, du premier titre privé Alliance Assurances a connu un engouement certain, plus de 6500 souscripteurs particuliers dans les 48 wilayas, un taux de demande de 220% après 30 jours, un taux de souscription effectif de 142% dont 98% particuliers.

La réussite du marché primaire et la confiance rétabli a été dilapidé par l'inertie du marché secondaire et le comportement indigne des IOB publics sur ce marché dont ils détiennent le monopole sans compétence ni savoir-faire mais par la force publique, dira-t-il. «L'échec de Aïn Kbira rentre dans cette suite logique de manque de confiance et de liquidité des titres sur le marché secondaire», explique encore cet expert qui souligne dans le même cadre que le comportement des acteurs du marché secondaire et les IOB publics est plus que nuisible et ne permettra jamais l'émergence d'une Bourse digne de l'Algérie et son économie.