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Education, le dilemme

par Mahdi Boukhalfa

Voilà, plus de 550.000 élèves sur plus de 800.000 qui ont passé le bac 2016 vont refaire cet examen de fin de cycle scolaire, sésame pour l'entrée à l'université. Il est prématuré de tirer quelques conclusions sur ce qui s'est vraiment passé entre le 29 mai et le 2 juin, et tout le scandale des épreuves fuitées, de la fraude à grande échelle. Comme il est inutile de se livrer à des guerres de tranchées sur le bien-fondé de la démarche de l'actuelle ministre, en particulier la panoplie de réformes qu'elle veut appliquer à un système éducatif en perdition. Par contre, ce qu'il est urgent d'envisager, c'est plutôt le système d'évaluation des connaissances des élèves, celui en vigueur est en fait le système français, avec des notations quantitatives se basant sur une restitution de l'enseignement dispensé au cours de l'année, ou d'un cycle. Cela évitera d'abord la fraude. Ensuite, cette méthode d'examination et d'évaluation n'est heureusement pas l'unique dans le monde, puisque le système anglo-saxon a une autre vision des choses, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, où le bac tel que nous le connaissons n'existe pas. Le passage à l'université obéit à une autre logique d'enseignement, basée sur les connaissances et l'intelligence de l'élève, avec un système de notation (A à D) différent du français. Les réformes promises par Benghebrit gagneraient à aller explorer ces contrées où la triche à proprement parler n'existe pas, les fuites également, puisque c'est l'intelligence et le background de l'élève qui sont sollicités lors des examens, en plus de travaux de recherche personnels. C'est dire, avec le scandale de cette session 2016 du baccalauréat, combien est urgente une refonte radicale du système d'enseignement en Algérie, à commencer par la formation des formateurs à un système qui produit chaque année des milliers d'ingénieurs et de cadres de très haute compétence. Le chemin est long, mais il suffit juste de tourner la page d'un système éducatif décadent d'évaluation et de formation. Car ce système, même dans le pays qui l'a créé, la France, la triche dans les examens est potentielle, réelle, permanente. Par contre, le système éducatif anglo-saxon ne connaît pas cette tare, car il est basé sur un autre système d'évaluation des connaissances. Le bac à la française fait des dégâts énormes, chaque année, dans tous les pays qui l'ont adopté, à commencer par la France, en passant par l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, et les pays francophones. Avec les réformes promises par la ministre de l'Education nationale, il faut aujourd'hui plus que jamais oser sortir l'école algérienne du ghetto, du marasme et de l'impasse dans laquelle elle a été plongée depuis au moins 20 ans. Ça suffit de ces expérience et ces échecs successifs, de ces élèves devenus cobayes d'expériences conjoncturelles vouées à l'échec. La gifle du bac 2016 devrait inciter ceux qui président aux destinées et à l'avenir des enfants des Algériens à réfléchir sur une lente mais salutaire mutation du système d'éducation nationale, les expériences allemandes, britanniques et américaines étant des modèles pour l'émergence d'une nouvelle génération d'élèves, d'instituteurs et de professeurs. Cela suffit d'un modèle d'enseignement qui a atteint ses limites, et que la commission Benzaghou, celle-là même dont faisait partie Mme Benghebrit, avait estimé urgent de réformer dans la forme et le fond. Mais avant cela il faudra réformer les mentalités, ce qui est encore plus dur.