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Election de Sadiq Khan - Londres : un voile se lève

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Un musulman élu maire de Londres. L'événement est si particulier, tant il bouscule bien des convictions «certifiées», autant en Europe que dans les pays musulmans.

C'est donc l'interrogation politique du jour, en Europe, que l'élection, à la tête d'une des plus grandes capitales occidentales, de Sadiq Khan, d'origine immigrée et de confession musulmane. Comment cela est-il possible, en ces temps de crispations identitaires et religieuses, en ces temps de montée des partis extrémistes et d'extrême droite, en Europe ? C'est que tous les débats menés par les journalistes politiques, analystes, sociologues et autres philosophes, dans les médias tournent et retournent et finissent à la question de départ: la conviction religieuse de Sadiq Khan, musulman, fils d'immigré et binational qu'il est, choisi par 57% de Londoniens pour les accompagner, durant 4 ans, vers un meilleur avenir. La même interrogation surprend les pays musulmans avec, bien sûr, un sentiment de fierté, voire de revanche sur la suspicion que porte cet Occident à leur égard dans ce monde devenu étroit, raide, violent pour tous.

Un monde où le cloisonnement des idées aggrave le cloisonnement des croyances et des identités. La France, la Belgique, l'Autriche, les pays de l'Europe de l'Est se déchirent sur un simple voile porté par les femmes musulmanes et s'interrogent, après sur la progression de l'islamophobie. La France a fait pire, sous l'aire Sarkozy: un débat sur l'identité nationale, revendiquant l'exclusivité d'une nature judéo-chrétienne et blanche, de la partie des «droits de l'Homme et de la liberté». La Grande-Bretagne, elle, laisse à ce jour, le port du voile libre chez elle et n'en fait pas une question de survie nationale. C'est pourquoi l'arrivée de Sadiq Khan, à la tête de la capitale britannique, a surpris plus les Français que les Britanniques. Le message des Londoniens est une leçon de démocratie. Il est beau. Il croit qu'il est possible de vivre ensemble avec des croyances et convictions différentes. Mais pas que: il élève la compétence, le mérite et la loyauté au- dessus de l'origine, de la classe sociale et de la filiation familiale. Sadiq Khan a été élu parce qu'il est compétent, sérieux et qu'il promet plus de justice sociale et un meilleur confort aux Londoniens.

La victoire de Sadiq Khan est aussi une victoire sur cette insidieuse et dangereuse «théorie» de la guerre des religions et de l'affrontement des civilisations distillée, à longueur de débats, se prévalant de la défense de la démocratie et de la liberté. La leçon londonienne vaut autant pour le monde musulman. Il est, donc, possible de briser le mur des dogmes idéologiques et religieux pour laisser place à la tolérance, la différence, le vivre ensemble et la paix entre les peuples. Assez, donc, de faux débats stériles, angoissants pour les peuples européens tels que ceux sur la place du hallal, du voile, des mosquées, des immigrés. Assez, aussi, de contre-débats pleins d' a priori, dans les pays musulmans, sur la haine héréditaire des Occidentaux à l'Islam et aux musulmans. L'exemple du vote des Londoniens est un espoir qui mérite d'être célébré par tous ceux qui se battent pour briser les murs entre les peuples, pour renouer le dialogue entre les diverses croyances, les non croyants, les laïcs, les neutres... En ce sens l'élection du maire de Londres est un message de confiance. En l'Homme, quand il le veut.