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France : Le cerveau présumé des attentats de Paris tué

par Simon Valmary, Charlotte Plantive De L'afp

La France a annoncé jeudi la mort du cerveau présumé des attentats les plus meurtriers de son histoire, le djihadiste belgo-marocain Abdelhamid Abaaoud, dont le retour incognito en Europe souligne les failles des services de renseignement du continent. Six jours après le carnage, le gouvernement français a salué la neutralisation de cette figure de l'Etat islamique (Daech) lors d'un spectaculaire raid policier, tout en plaidant pour une meilleure coopération européenne en matière d'antiterrorisme. Mercredi, 110 policiers d'élite avaient lancé un assaut sur un appartement de Saint-Denis, au nord de Paris, à la suite d'un témoignage venant d'un pays non européen, indiquant qu'Abdelhamid Abaaoud, présumé être en Syrie, se trouvait en fait en France. Son corps, «criblé de balles» et déchiqueté durant l'opération, a été «formellement identifié», selon un communiqué du procureur François Molins, en charge de l'enquête. Surnommé Abou Omar al-Baljiki, ce djihadiste de 28 ans est considéré comme l'inspirateur ou l'organisateur des attentats qui ont fait 129 morts et plus de 350 blessés le 13 novembre à Paris et dans sa banlieue, revendiqués par l'EI. D'après le gouvernement, il n'en était pas à son coup d'essai: «Abaaoud était impliqué dans quatre» des six attentats déjoués en France depuis le printemps, a déclaré le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Son implication a été établie dans un projet d'attentat contre une église de Villejuif, au sud de Paris, en avril. Il pourrait être également impliqué dans l'attaque ratée d'un train Thalys en août.

Se pose maintenant la question de savoir comment cet homme, qui faisait l'objet d'un mandat d'arrêt européen et international, a pu entrer en France. «Aucune information émanant de pays européens dans lequel il aurait pu transiter (...) ne nous a été communiquée», a regretté Bernard Cazeneuve. A la veille d'une réunion d'urgence des ministres de l'Intérieur et de la Justice à Bruxelles, il a appelé l'Europe «à se reprendre». De son côté, le Premier ministre Manuel Valls a de nouveau réclamé une adoption rapide du fichier européen des passagers aériens (PNR), pour mieux suivre les déplacements dans l'Union. Au-delà de l'Europe, la France a proposé au Conseil de sécurité de l'ONU une résolution prévoyant de prendre «toutes les mesures nécessaires» pour contrer l'EI. Quant au président François Hollande, qui doit se rendre la semaine prochaine à Washington et Moscou, il a notamment évoqué «la coopération militaire» sur le théâtre syrien dans un entretien téléphonique avec son homologue américain Barack Obama. Le sujet a également été discuté par les chefs d'état-major des armées française et russe, qui multiplient depuis quatre jours les frappes sur le fief syrien de l'EI, Raqa. Pour la première fois depuis les attentats, le président Hollande a également ordonné lors d'un Conseil de défense d'intensifier les frappes contre l'EI en Irak. Sur le front intérieur, les députés français ont voté quasiment à l'unanimité la prolongation pour trois mois et le renforcement de l'état d'urgence décrété au lendemain des attentats. Dans ce cadre, plus de 400 perquisitions ont eu lieu dans les milieux islamistes depuis samedi et une centaine de personnes ont été assignées à résidence. Devant un hémicycle quasi comble, Manuel Valls a évoqué le risque d'attentat à l'»arme chimique ou bactériologique», alors que le gouvernement a autorisé la pharmacie des armées à distribuer un antidote aux armes chimiques à des services d'urgence civils en France. «Le Premier ministre évoque une hypothèse pour l'avenir», a précisé par la suite à l'AFP un proche de M. Valls.

Après l'identification d'Abaaoud, les enquêteurs s'attachent à identifier les restes de la deuxième personne retrouvée morte dans l'appartement de Saint-Denis. Les policiers pensent qu'il s'agit d'une cousine du djihadiste, Hasna Ait Boulahcen, ayant déclenché un gilet d'explosifs.

Le domicile de la mère de cette femme de 26 ans, qui s'était radicalisée il y a six mois selon ses proches, a été perquisitionné dans l'après-midi. La traque se poursuit par ailleurs en France et en Belgique contre Salah Abdeslam, 26 ans, soupçonné d'avoir participé aux attentats. Un autre djihadiste, non identifié, serait peut-être aussi en cavale.

Côté belge, neuf personnes ont été interpellées jeudi dans la région de Bruxelles, dont sept dans l'»entourage direct» de Bilal Hadfi, 20 ans, l'un des sept assaillants de Paris qui se sont fait exploser à l'aide d'une ceinture piégée. Quant à la population, elle oscillait toujours entre volonté de résistance - «Même pas peur» clamait une banderole déployée sur l'emblématique place de la République - et psychose face au risque de nouvelles attaques. Si les Parisiens ont retrouvé terrasses et salles de spectacle, l'interdiction de manifester sur la voie publique à Paris et en banlieue, décidée au lendemain du bain de sang, a été prolongée jusqu'à dimanche. Comme les manifestations de défenseurs de l'environnement prévues pendant la conférence internationale sur le climat à Paris en décembre, la «Fête des lumières» qui réunit chaque année près de trois millions de personnes à Lyon début décembre a également été annulée. Des personnalités du monde culturel ont appelé jeudi à «faire du bruit et de la lumière» vendredi à 21h20 une semaine exactement après le début des attentats. A l'étranger, la solidarité restait de mise. La Marseillaise sera jouée ce week-end avant tous les matchs du championnat de football d'Angleterre.