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Ce complexe qui nous est propre

par Ahmed Farrah

Cette semaine, le temps d'une rencontre, un petit rayon de culture s'est invité pour ranimer la ville oubliée du fond de sa léthargie ankylosante. Tiaret a fait l'effort de penser à l'un des siens pour lui rendre hommage et le regarder avec fierté au milieu de tous ses amis, venus si nombreux des quatre coins du pays pour partager avec lui des moments de bonheur. Amar Belkhodja le journaliste et auteur, arpente l'histoire de l'Algérie dans toute sa dimension et dans toute sa profondeur, depuis plus de quarante ans, sans jamais se résigner aux aléas inhibiteurs ni à la fatalité pesante des hommes, pour dépoussiérer les livres abandonnés et les manuscrits délaissés et trouver les témoins méconnus d'un passé récent, pour nous plonger dans les délices de ses narrations. La fête était au rendez-vous, des moments de poésie populaire, un temps de musique chaâbi algérois, des enfants jouant au piano des airs classiques, des anecdotes dites par des amis loquaces mais très sympathiques, des présents et des cadeaux pour le gratifier et le récompenser pour l'ensemble de son œuvre, des photos-souvenir pour immortaliser cet instant furtif dans la vie d'un homme? Bravo Amar, tu as creusé le sillon, tu as semé la graine, le fruit sera là avec ces petits enfants qui t'ont fait le serment Qassaman. Cependant, un petit couac est venu nous interpeller pour rappeler à ces gemmules, à ces bourgeons de bouts de chou qu'ils ne devront pas avoir ce petit complexe d'ignorer leur langue maternelle en se présentant péniblement au public dans un français difficile. Pourquoi tous les enfants et tous les adultes de par le monde échangent et communiquent entre eux dans leur langue ? Pourquoi nos officiels snobent et jasent au pays profond comme s'ils étaient chez Marianne ? Comment voulons-nous inculquer le patriotisme et l'amour du pays aux enfants quand nous foulons à nos pieds notre identité et pas n'importe laquelle : notre langue ? Apprendre aux enfants toutes les langues du monde est plus que nécessaire pour qu'ils s'ouvrent sur l'universalité et ne pas trainer juste devant la voiture balai qui risque de les rattraper, mais ils ne s'obligeront en aucun cas d'avoir honte de ce qu'ils sont. Comme disait un auteur, «Il n'est pire haine que la haine de soi».