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Le projet de loi sur la santé examiné par le gouvernement : Un pas en avant, deux pas en arrière

par Ziad Salah

Aujourd'hui, le nouveau projet de loi sur la santé sera examiné pour la seconde fois par le gouvernement. Il a déjà été discuté mercredi dernier. Ce texte, une fois adopté par l'APN, régira le système de santé publique durant les dix ans à venir. Signalons qu'il n'a pas bénéficié de large diffusion. Ce qui suppose qu'il n'a pas fait l'objet de suffisamment de débats, notamment par les associations des usagers de la santé publique.

Ajoutons que même les débats, surtout les propositions avancées lors des assises organisées par la tutelle, il y a exactement une année, n'ont pas été rendus publics. Or, l'Unité de recherche sur la santé, relevant de l'université d'Oran a consacré une journée d'étude à ce projet. Parmi les communicants il y avait Miloud Kaddari, un expert travaillant depuis longtemps pour le compte d'organisations internationales dont l'OMS. Dans un exposé très didactique, il énumère les griefs et lacunes de ce texte. Sur le plan de la forme, il notera en premier lieu «l'absence d'un exposé des motifs (?.) justifiant une nouvelle loi, ses objectifs, ses principes et fondements». Une fois adoptée par l'APN, cette loi se substituera à la loi 85-05 du 6 février 1985. Or, «aucun bilan critique des réalisations, limites, contraintes du système de santé» sous l'égide de la loi à changer n'a été établi, relève M. Kaddari. De même, il signalera que celle projetée «doit être prospective et entrevoir les changements prévisibles de l'environnement du système de santé et de ses composantes». Toujours sur le plan de la forme, il soulignera «les déséquilibres entre les titres, chapitres et sections» et surtout fera remarquer que les six phases nécessaires «pour garantir la qualité de la loi n'ont pas été respectées». Ce manque de cette procédure universelle (six phases) «peut compromettre gravement l'efficacité de la loi» qui doit formaliser notre système de santé dans un proche avenir.

Sur le plan du fond, les remarques ont porté sur les nouveautés introduites par ce texte de projet de loi. Il citera entre autres «la région sanitaire», «l'agence nationale du médicament», «l'évaluation et l'accréditation des établissements hospitaliers», «les comptes nationaux de la santé». Et de relever que «ces approches exigent de nouvelles compétences de l'Etat pour les planifier, définir les outils de leur mise en œuvre et les évaluer». Compétences faisant terriblement défaut, constatera-t-il. Plus loin, il souligne «le déficit en gestionnaires et en maîtrise des règles de gestion et de transparence est criard à tous les échelons du système». Et d'ajouter: «l'avant-projet parle encore d'administrateurs de la santé» et non de gestionnaires. L'autonomie de gestion, la redevabilité et la transparence sont encore loin». M. Kaddari note que le futur texte de loi «fait de la région sanitaire un espace essentiel du système de santé à promouvoir». Il reconnaîtra que la notion est «séduisante» et «prometteuse de grands espoirs». Néanmoins, il avance «qu'il serait difficile d'envisager la création de régions pour le seul secteur de la santé». Et d'avancer: «la région sanitaire devrait être en harmonie avec une nouvelle organisation du territoire et du pouvoir au sein de l'Etat algérien». L'autre nouveauté proposée dans le texte du projet est la création «d'un conseil national de la santé». Cependant, note notre expert, «rien n'est développé sur le mandat, les fonctions, la composition et le fonctionnement du conseil national». Il signale la même remarque concernant la création de «l'agence nationale chargée de la promotion de la santé» et «l'agence de sécurité pharmaceutique», autres nouveautés envisagées. Concernant les produits pharmaceutiques, Kaddari ira jusqu'à affirmer que le projet est «en retrait par rapport au projet de loi de 2011 qui prévoyait la définition d'une politique pharmaceutique active des médicaments essentiels et des génériques ainsi que des réformes dans la gouvernance du secteur pharmaceutique». Se référant aux statistiques de l'ONS, l'expert souligne que «les dépenses des ménages pour les soins sont en croissance constante». Plus grave, il indique que «les disparités dans l'accès aux soins et les inégalités dans le financement de la santé sont devenues le fait majeur du système de santé actuel». Or, le nouveau projet «reste silencieux sur ce sujet» et se contente de ressasser: «l'Etat couvrira les soins de base des populations vulnérables? tant que la rente pétrolière le permettra». Dans une autre remarque, Kaddari dira «il n'est pas clair si l'Etat poursuit l'objectif d'instaurer une couverture universelle de santé comme cela a été adopté par l'Assemblée mondiale de la Santé à Genève». Puisque dans le texte du projet, «l'Etat n'a d'obligations formelles de financement que pour les programmes nationaux de prévention, les soins de base, la formation des professionnels et la recherche». Et d'ajouter: «le modèle qui est proposé par le législateur est un financement dual impliquant l'Etat et la Sécurité sociale sans clarté sur ce qui est responsable de quoi». Ce qui signifie que «la gratuité des soins», à chaque fois soulevée par les officiels, n'est en fin de compte qu'un leurre.