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Retour sur la séquence Lamamra

par Kharroubi Habib

Depuis sa nomination à la tête du département des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra a incontestablement redoré le blason de la diplomatie algérienne qui sous sa conduite a permis au pays d'être désormais compté parmi les Etats dont la contribution est indispensable à la préservation de la paix tant au plan régional qu'international et à la solution des crises et conflits menaçant celle-ci. En toute logique, il aurait dû mériter considération et respect pour ce que sa compétence et son entregent ont insufflé d'efficacité à notre diplomatie nationale. Mais s'il s'est indiscutablement acquis l'une et l'autre auprès des Algériens lambda, il a à n'en point douter braqué contre lui dans les cercles décideurs des oppositions qui ont peur de l'aura que lui confère l'estime populaire ou ayant jugé que les succès dont le mérite lui est unanimement attribué ont fait de l'ombre à leurs « ego » surdimensionnés.

Aussi le fait qu'à l'occasion du remaniement gouvernemental il a été contre toute attente procédé à l'inédite reconfiguration du portefeuille des Affaires étrangères qui a vu Ramtane Lamamra maintenu au poste mais dessaisi de la compétence sur la coopération internationale au profit de Abdelkader Messahel qui du coup devenait un ministre des Affaires étrangères bis, a été largement décrypté comme émanant de la volonté de rogner les ailes au brillant et populaire ministre. Si l'on peut comprendre que Lamamra a été ulcéré par l'ingratitude dont il été payé, ce n'est pourtant pas en révolte contre elle qu'il aurait selon nos sources déposé sa démission à l'annonce du remaniement mais en faisant valoir qu'il n'acquiesce pas à l'incongruité d'une diplomatie nationale ayant une tête bicéphale indépendamment de l'identité de celui par lequel on l'a flanqué.

C'est à son attitude pour tout dire inattendue par les décideurs qu'est dû le rétropédalage qui s'en est suivi ayant consisté à replacer la coopération internationale sous l'autorité du rétif ministre et à confirmer sa prééminence sur son collègue en l'élevant au rang de ministre d'Etat. Pour autant le rétropédalage n'a pas dissipé l'impression que le pays est dirigé à coups de décisions improvisées dont la seule raison d'être est le calcul politicien basé sur la volonté de préserver les intérêts claniques. Il a au contraire apporté l'eau au moulin de ceux qui martèlent que la gestion actuelle du pays se résume à ça. Bouteflika en est évidemment éclaboussé car étant signataire du premier et du second décret. Mais qui plus est cette séquence inédite que sa signature a officialisée a relancé le questionnement sur la réalité de l'autorité dont il est censé encore disposer pleinement depuis son accident vasculaire cérébral. La question fait désormais débat même dans les milieux où l'on tenait pour la thèse que son accident de santé n'aurait pas eu d'incidence sur ses capacités à continuer de diriger le pays. Même ces milieux doutent désormais qu'il est en capacité de le faire en considérant que la séquence Lamamra qu'a donné à voir le remaniement gouvernement ne peut avoir pour auteur le chef de l'Etat qui pour être parfait connaisseur du secteur des Affaires étrangères ne se serait pas avisé d'endosser la paternité de l'incongrue reconfiguration et découplage des compétences du ministère qui en a la charge.

Bouteflika en possession de toute sa lucidité intellectuelle aurait traité de tout autre façon un ministre qu'il considérerait lui faire ombrage. Il l'aurait tout simplement évincé. Ce qui aurait paru contestable mais avec le mérite de la clarté. Dans le scénario qui s'est joué dans le cas Lamamra, il apparaît clairement que ses auteurs ont fait entériner à un chef de l'Etat « absent » une décision et un rétropédalage qui ont consommé le peu de crédit qui restait à l'Etat et au pouvoir qui en est à la tête que ce soit au plan national ou international.