Des échos de plus en plus audibles sur le désarroi total des chefs d'entreprises se font entendre. Tous affirment qu'ils n'en peuvent plus et leurs récriminations répétées ne cachent plus un sentiment de grandes incertitudes sur un proche futur, en susurrant un vocabulaire désespérant et parlent d'une définitive démission. La majorité est bien loin des discours optimistes souvent reçus comme de vilaines plaisanteries, de ceux qui s'accrochent encore sans trop y croire à un espoir hypothétique d'où ne transpire aucune densité.

Sourds aux slogans vides de sève, le potentiel des capitaines d'industrie ne jure plus que de retraite ou d'exil, devenu certain que le réservoir hérité qu'ils tentent d'alimenter de rêves contrariés est sur ses flancs troué par on ne sait quel implacable mauvais sort.

Curieusement, il n'est pas toujours question de grandes théories économiques, du moins dans la plupart des griefs avancés et toutes les assertions étalent d'abord d'insupportables articulations d'un environnement national qui annihilent la moindre action. L'administration dévastatrice dans ses nombreuses variantes, la sécheresse flagrante dans le savoir-faire et la nouvelle mentalité désabusée du monde du travail, la fabuleuse prédisposition à la rapine généralisée sont les premières plaies incriminées.

Tous pointent un index hagard et éberlué, incertain d'indiquer l'objective visée pour que l'on se rende compte en définitive que les responsabilités sont partagées. Hier les uns se sont engagés par leur silence et leur passivité dans une voie suspecte, les autres ne se sont pas gênés pour se libérer dans l'assiette qui les nourrissait. Que d'alliances contre nature se sont faites dans une déraison pour que la tragédie soit forcée à un rendez-vous à tous les étages de la communauté.

S'en tenir à de telles protestations superficielles même si elles reposent sur un vécu réel ne mène pas loin. C'est au cœur de la petite Histoire nationale qu'il faudra immanquablement aller chercher les causes réelles d'un drame multiforme qui à l'évidence fait retourner dans leurs tombes ceux qui ont donné leurs vies pour l'indépendance du pays.