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Le procès reprendra demain : Khalifa continue de tout nier

par Tahar Mansour

Au quatrième jour du procès et deuxième de son audition, Abdelmoumène Rafik Khalifa ne semble pas du tout désarçonné par les questions du juge, ni par celles des avocats de la partie civile et du ministère public.

Dès l'entame de l'audience jeudi vers neuf heures du matin, le juge le rappelle à la barre et reprend les questions là où il les avait laissées la veille en lui demandant des explications sur les cartes d'abonnement (thalassothérapie, billets d'avion, etc.) remises aux responsables d'entreprises publiques qui avaient fait des dépôts à Khalifa Bank. Khalifa nie tout en bloc et affirme que les responsables ne lui avaient pas donné l'argent mais ont effectué des dépôts, et bien rémunérés en plus. Il nie aussi qu'il y ait des billets gratuits : «car il y a des taxes (10%) qu'il faut payer à l'aéroport, mais il y a eu parfois des réductions sur les billets d'avion». Le juge, Antar Menouer, lui rappelle qu'il y a eu des billets accordés gratuitement à des responsables d'entreprises publiques qui ont retiré l'argent des entreprises qu'ils dirigent des autres banques pour les déposer à Khalifa Bank, en plus d'autres avantages personnels. Khalifa dément et précise : «il n'y a pas eu de gratuité à ma connaissance». Khalifa rappelle que l'argent était en dépôt et qu'il pouvait être retiré à tout moment, mais le juge lui dit que le problème réside justement dans le fait que ces entreprises publiques (et privées) n'ont pas pu récupérer leur argent. Le prévenu affirme qu'il n'y a jamais eu d'incident concernant le retrait d'argent de Khalifa Bank : «jusqu'à mon départ en 2003, après il y a eu l'installation d'un administrateur». Quand le juge affirme à Khalifa que toutes les inspections effectuées au sein de Khalifa Bank étaient négatives, il lui affirma que l'actif était toujours supérieur au passif et que sa banque n'était jamais arrivée à la faillite, ce qu'il pouvait, selon lui, démontrer facilement. Quand le juge lui demande si des bilans étaient dressés, il déclara que le dernier l'avait été au 31 décembre 2002. Concernant les aides accordées au Mali et à des clubs de football, Abdelmoumène Khalifa affirme qu'il aimait le sport et qu'il voulait aider ces clubs, alors que pour le Mali il aurait voulu l'aider juste en transportant gratuitement les joueurs de l'équipe nationale. Le juge revient sur les avantages accordés aux responsables d'entreprises publiques qui ont déposé des fonds à Khalifa Bank et Khalifa continue de nier qu'il y ait remise de billets gratuits ou de cartes de soin, et encore moins de MasterCard. Revenant sur les crédits accordés à des particuliers, Khalifa affirme qu'ils n'ont été accordés qu'à des employés du groupe et que la garantie était représentée par le salaire de l'emprunteur. Poursuivant ses auditions, le juge Antar Menouer lit la déposition de la secrétaire de Khalifa, Nadjia Iwaz, mais Khalifa répond que : «elle n'a jamais été ma secrétaire, d'ailleurs elle dit que j'ai remis des MasterCard à des ministres, dont certains sont toujours en poste, et cela est grave». Arrivé aux circonstances de sa fuite à l'étranger, Khalifa répond au juge qu'il n'avait pas fui le pays mais qu'il l'avait juste quitté car il avait compris que sa banque allait être mise en faillite et qu'il y avait 22 000 employés qui allaient se retrouver au chômage et cela aurait pu se terminer par des émeutes : «j'ai donc préféré quitter le pays», a-t-il précisé. Revenant à la faillite de la banque, Khalifa affirme que la mise en liquidation était tronquée et qu'elle était illégale. Il rappelle que même le travail du liquidateur est illégal car, affirme-t-il, «il devait recruter deux commissaires aux comptes pour éplucher une expertise, mais rien n'a été fait, sur quelles bases je vais être jugé ?», demande-t-il. Le juge revient sur les voitures offertes à la FAF et Khalifa confirme cela mais nie avoir acheté la villa de Cannes avec l'argent transféré pour l'achat des stations d'épuration. D'ailleurs, il se dit ravi d'ouvrir ce dossier car, «je vais vous présenter un dossier complet sur l'achat de la villa de Cannes pour 33,3 millions d'euros, et légalement, au lieu de 44 millions comme porté sur l'arrêt de renvoi». «C'était un investissement gagnant fait par Khalifa Bank car le prix des avions baissait et celui de l'immobilier allait vers le haut. Malheureusement la liquidatrice désignée par les Français l'a vendue pour 17 millions d'euros alors que la villa était estimé à plus de 100 millions», a-t-il précisé. Pour rappel, Khalifa avait obtenu l'autorisation de transfert de devises pour l'achat de cinq stations d'épuration mais deux seulement ont été ramenées en Algérie, les trois autres ne l'ont jamais été. En parlant des stations d'épuration, Khalifa ne s'est pas empêché de dire : «Dja Idi El Kheir, Ahçal» (je suis venu faire du bien et je me retrouve dans de beaux draps). En milieu de journée, le juge donna la parole aux avocats de la partie civile et c'est celui du liquidateur qui commença en lui demandant s'il avait donné l'ordre de vendre la villa de Cannes. Khalifa répond qu'il avait ordonné qu'on l'hypothèque mais les Français ont refusé. L'avocat demande si Khalifa avait laissé de l'argent dans la caisse principale de Khalifa Bank et Khalifa lui dit : «il y avait 97 milliards de dinars». C'est ensuite au tour de l'avocat de l'EDIMCO Chlef de demander à Khalifa s'il avait acheté d'autres biens pour l'Algérie (autre que les stations d'épuration), il cite la participation, en tant que banque, à la réalisation de divers projets comme la construction du siège du ministère des Finances et donné un crédit à la SNVI. Concernant l'achat de voitures de luxe pour la présidence, Khalifa déclare les avoir seulement transportées et non achetées. C'est la même chose pour le financement d'une pièce de théâtre d'Adel Imam quand il affirme que c'est le ministère de la Culture qui l'a fait «via la banque Khalifa».

Quant au procureur général, sa première question va au statut de Khalifa Bank et le prévenu lui répond que c'est une SPA qui a débuté avec sept actionnaires. Le procureur général déclare que c'est le minimum requis par la loi. En réponse à une autre question, Khalifa affirme que près de la moitié des agences appartenaient à la banque, et non le tiers comme affirmé. Il affirme aussi que les taux d'intérêt sont libres et qu'ils peuvent varier d'une banque à une autre, et même d'une agence à une autre. Concernant le transfert de fonds par avion de l'agence d'Oran vers la caisse principale à Chéraga, Khalifa rappelle que c'était en vertu d'accords conclus avec la Banque d'Algérie, d'autant plus que l'agence d'Oran n'avait pas encore de compte auprès de la Banque d'Algérie. Le procureur général interrogea sur l'argent avec lequel des cadres de la banque avaient acheté des villas et des maisons dans des quartiers huppés, Khalifa affirme que c'était dans le cadre du Crédit Logements et c'est d'ailleurs dans ce cadre qu'il aurait connu M. Tebboune, l'actuel ministre de l'Habitat. Khalifa dément aussi que c'est son ami Karim Boukadoum qui aurait ramené l'argent des OPGI après avoir obtenu des avantages, «non, il a obtenu des crédits comme n'importe quel client de la banque». A la fin de la série de questions posées par le ministère public, le juge annonce que le procès sera suspendu pour le weekend et reprendra donc dimanche. Au cours de la séance de l'après-midi, un incident est survenu entre Me Bourayou, représentant la BDL Staouéli et un avocat de la défense après que Me Bourayou a demandé à Khalifa si les deux crédits obtenus auprès de la BDL avaient été utilisés pour la société KRG Pharma (propriété de Khalifa) ou pour la création de Khalifa Bank. L'avocat de la défense s'est opposé bruyamment à cette question et le juge a décidé la suspension de l'audience pour quelques minutes.