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Affaire de l'autoroute Est-Ouest : Des peines de un à 20 ans de prison requises

par M. Aziza

Après avoir auditionné les 16 personnes accusées dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest et après avoir interrogé les témoins, le ministère public a requis, hier vendredi, des peines allant d'une année à vingt ans.

Le procureur a requis 20 ans de prison ferme à l'encontre de Chani Medjdoub, principal accusé dans cette affaire, assortis d'une amende de 8 millions de dinars. La même peine a été requise contre Mohamed Khelladi (directeur des nouveaux programmes à l'ANA), assortie d'une amende 5 millions de dinars. Alors que des peines de 15 ans de prison ferme et une amende de 8 millions de dinars ont été requises contre Hamdane Rachid (directeur de planification au ministère des Travaux publics) et Addou Tajeddine (homme d'affaires).

Le ministère public a également requis une peine de 8 ans de prison ferme assortie d'une amende d'un million de dinars contre Allab El Khier (investisseur), ainsi que 3 ans de prison ferme et une amende d'un million de dinars contre Ouzen Mohamed, alias colonel Khaled (fonctionnaire au ministère de la Justice). Deux ans de prison ferme et un million de dinars ont été requis à l'encontre de Mohamed Bouchama (secrétaire général du ministère des Travaux publics), Ghezali (directeur des études à l'ANA) et Ferachi Belkacem (cadre au ministère des Transport).

Le procureur général a requis, en outre, une année de prison ferme et une amende d'un million de dinars contre les sœurs Ghrib et un an de prison ferme contre Bouzenacha Madani et Naim (commerçants). Une amende de cinq millions de dinars a été requise contre chacune des sept entreprises étrangères, pour le remboursement des frais de justice. Le procureur a également exigé la confiscation de tous les biens et acquis des 16 personnes impliquées, que ce soit en Algérie ou à l'étranger.

KHELLADI CHARGE AMAR GHOUL

L'ancien directeur des nouveaux projets à l'ANA, Mohamed Khelladi a, lors des auditions qui se sont poursuivies jusqu'à jeudi, continué à accuser le ministre Amar Ghoul. Pour Khelladi, Amar Ghoul était au courant de tout ce qui se faisait. Il a également affirmé qu'il était informé sur tous les détails, y compris sur la présence de Chani. «Je l'ai averti moi-même sur les agissements de Chani et sur tous les dysfonctionnements, les anomalies et malversations relatifs à la réalisation du projet de l'Autouroute Est-Ouest ».

Khelladi a également remis en cause les 17 réponses d'Amar Ghoul sur cette affaire, lues intégralement par le greffier. L'un affirme et réaffirme ce que l'autre nie. A noter que Khelladi n'a raté aucune des réponses du ministre. Mieux, il a demandé au juge de laisser commenter les réponses du ministre Amar Ghoul point par point. Une demande accordée par le magistrat, donnant ainsi la possibilité à un des acteurs principaux de cette affaire d'enfoncer davantage le clou.

Il a commencé par remettre en cause le niveau d'instruction du ministre Amar Ghoul, en affirmant que le ministre n'a pas fait ses études en Allemagne. En fait, Khelladi a repris des données rapportées par la presse affirmant qu'aucune trace d'un docteur d'Etat en génie civil au nom de Amar Ghoul n'a été trouvé, ni en Grande-Bretagne, ni en France et ni même en Allemagne.

Khelladi réitère que le ministre a fait appel à des sous-traitants et des entrepreneurs, essentiellement des militants du MSP, pour des travaux concernant le projet, sans se soucier de la qualité ou des besoins réels du projet. «La preuve, il demandait à chaque fin de travaux réceptionnés, une mise à niveau, ce qui n'est pas du tout normal » selon Khelladi.

Mohamed Khelladi a évoqué encore une fois les surcoûts récurrents des projets. Il a affirmé que l'information relative au prix du kilomètre pratiquement le plus cher au monde, a été avancée par le ministre lui-même. «C'est lui qui m'a dit de révéler que le kilomètre coûte 8 millions de dollars, alors qu'à travers le monde, il revient à 6 millions de dollars , et ce , pour défendre le projet». Et de poursuivre : « mais en réalité le prix du kilomètre revient beaucoup moins cher que les 6 millions de dollars ; il devait coûter 2,5 millions de dollars avec équipements et services inclus, clé en main», dit-il.

Khelladi poursuit son offensive en affirmant qu'Amar Ghoul aurait demandé à Cojaal et l'entreprise chinoise CITIC-CRCC de lui réhabiliter son habitation à la résidence d'Etat. Il a également indiqué qu'il avait utilisé les moyens de ces deux entreprises pour la participation des délégations algériennes dans deux foires, l'une à Paris et l'autre à Shanghai. Il poursuit en affirmant que même les visites d'inspection et de suivi effectuées au niveau local mobilisant d'énormes moyens de transport pour la délégation ministérielle et transport de journalistes , restauration, Zorna et même la Fantasia ont été « imposées » aux entreprises japonaise et chinoise. Pourtant, selon la réglementation, ces frais supplémentaires sont pris en charge par les collectivités locales.

Toutes ces accusations sont infondées, selon le ministre Amar Ghoul, qui s'est défendu par écrit, loin du Palais de justice. Il s'agit pour le ministre, « de mensonges et accusations non fondées». Le ministre a également renvoyé la balle à Mohamed Khelladi, en affirmant que la prise en charge des cadres du département du nouveau programme de Dely Brahim, en matière de moyens (véhicules de type 4x4 et de lignes téléphoniques gratuites ainsi que l'équipement et la location des locaux de ce département, location de logements), incombe à M. Khelladi. Autrement dit, que la gestion de la DPN était sous la responsabilité de Khelladi, une direction qui relève de l'ANA et que le ministère n'a rien à voir dans sa gestion.

DECLARATIONS CONTRADICTOIRES DES REPRESENTANTS DE COJAL ET DE CITIC-CRCC

Le nouveau directeur de la DNP ayant remplacé Mohamed Khelladi, M. Belatreche, auditionné en tant que témoin, a affirmé que les mesures d'accompagnement (des logements loués, les voitures, les téléphones, les bons de carburant) en général, les moyens mis à la disposition des cadres de l'ANA, ne devraient pas être incluses dans les contrats signés entre l'ANA et les deux groupements, contrairement aux installations techniques dont a besoin le projet.

Mais ce qui est intriguant, dans ce témoignage, est le fait que Belatreche a, tout de suite et dès son installation à la DNP, récupéré les logements, les voitures, les téléphones, et d'autres équipements pour les remettre aux deux entreprises chinoise et japonaise. Or, ces dernières n'ont même pas parlé de la restitution de ces moyens qui, en fait, ne leur appartiennent pas.

Irrité encore une fois par les déclarations contradictoires des représentants des deux groupements, le juge demande des explications. «Pourquoi vous avez pris les moyens qui sont en fait des mesures d'accompagnements dont vous avez déjà affirmé qu'il ne sont pas facturés ?». Sans oublier le fait que les représentants de Cojal et de CITIC-CRCC avaient déclaré devant le juge, mercredi dernier, qu'ils ont l'intention de réclamer le montant des moyens mis à la disposition de la DPN que dirigeait khelladi. Pourtant, ces frais sont censés être compris dans le contrat. Notons, en outre, que l'avocat de l'ANA a affirmé que la banque a déjà versé 630 millions de dinars.

Le procureur général intervient pour demander à Belatrache de lui expliquer le statut du groupement CITIC-CRCC et sa relation avec l'entreprise mère. Car, à chaque fois que le juge interroge les représentants de CITIC-CRCC sur leur relation avec Medjdoub Chani, ils affirment que Chani était en relation avec l'entreprise mère et que leur groupement n'a rien à voir avec l'entreprise mère.

Belatrache a affirmé que le groupement chinois CITIC-CRCC a été créé en Algérie et que son conseil d'administration se trouvait également en Algérie. Ce groupement a été créé entre l'entreprise publique chinoise CRCC et la banque privée CELTIC. CRCC détient 49% des actions et CELTIC 51%.

Le juge et le procureur général demandent s'il y a une relation entre ces entreprises en Algérie et leurs sociétés-mères. Beltrache a, à peine, précisé que ce groupement a été créé pour la réalisation du projet Autoroute Est-Ouest, que l'avocat du groupement chinois s'énerve et s'attaque directement au procureur.