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Au loup !

par El Yazid Dib

Un livre, deux rives, toute une histoire passionnelle. Un procès, plusieurs affaires. Une trotskyste incrimine une cinéaste et crie à la « déchéance des institutions ». A la barre, un accusé charge les autres et décortique les chiffres pris. Que se passe-t-il ? Ça saigne de tous les fonds. Ça brûle de tous les toits. La conquête du confort semble exciter l'impatience de l'atteindre, au plus vite, à qui mieux mieux. La situation plan-plan convoitée et acquise par certains, prêts à plier bagage au moindre couac, ne s'est pas arrêtée à leurs seuils. Elle recrute des adeptes et incite le suivi de l'exemple. Les délinquances civiles se commettent, les ministères se mouillent, les impostures se faufilent. C'est ce « temps » dans un si beau pays qui a fait d'un p'tit vaurien une fortune.

D'une lugubre personne une enseigne lumineuse. D'un simple rien un quelqu'un. C'est cette « traîtrise » de serment qui a rendu possible le ridicule et qui a stimulé l'insignifiant à devenir un cas d'inspiration. Au même moment où leur larcin finance la mosquée croyant ainsi obtenir l'Eden et le paradis, ils s'abusent en prenant Dieu pour un citoyen.

Un scandale peut toutefois paraître comme un croche-pied, un règlement de compte réactif. De nombreux scandales, successifs et non avoués, ce n'est pas une cavalcade. Ce n'est certes pas fortuit. Ce ne sont pas des sommations envers de probables échéances. Rien n'est en vue. La Constitution ? Les remaniements cycliques et usuels ?

Au moment où il fallait, pour le salut des nuques innocemment étêtées, des compétences candidement brisées et des esprits injustement emprisonnés, faire quelque chose, la loi, la force et le prétoire se cèlent dans la moisissure du silence. La détermination politique d'aller au-devant des choses n'est pas une sinécure quand elle n'est non plus une tactique opiniâtre de réoccupation d'une aisance décisionnelle abîmée. Un règne tire-t-il à sa fin ? Un pousse-toi de là que je m'y mette ? Sinon que veulent dire tous ces cris « au loup ! » qui bondissent de partout ? La bergerie serait-elle mal gardée à tel point que nul enclos, nul pasteur, nul souci n'est apte à sécuriser l'assistance et la rassurer ? Car le fait de jeter des regards passifs et désintéressés sur l'ampleur d'une action de dévastation préjuge que l'on s'inscrit ouvertement avec un dessein, dans une allure de rouler, de marcher et de faire des galopades au profit d'un groupe restreint préalablement privilégié.

La morale se pétrit aux ingrédients de l'immoral pour livrer, en fin de barbotine, l'appétit irrésistible de gagner sans effort, de vaincre sans combat et de manger sans prise de peine au moins de mâcher. Le génie de l'import, les miracles de la députation, le sésame de l'immobilier, la clémence des banques font que ceux qui possèdent sont les maîtres de céans. Les autres, des ratés, des paumés. C'est durant la promesse que naissent les frustrations et surgissent les prochaines défaites. Le discours capiteux, en fait abusif, est celui-là qui vous assomme par les merveilles des fausses réussites.