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L'autoroute d'une gouvernance deglinguee

par M. Abdou BENABBOU

Quand le magistrat chargé de juger l'affaire de l'autoroute avoue avec une lourde charge de franchise que le petit juge qu'il est ne s'amusera pas à convoquer un ministre, il a tout dit. Sa spontanéité tonne d'ores et déjà comme une sentence et ce dossier peut, sans attente, être plié. Des lampistes vont payer et les ministres comme les militaires cités peuvent aller sur leurs deux oreilles roupiller.

Tout le lourd dossier ne tiendrait qu'à cette déclaration faussement enfantine d'autant qu'elle percute un autre aveu d'un inculpé qui a déclaré qu'on lui avait certifié qu'une partie de l'argent détourné devait alimenter des caisses secrètes à l'étranger. Dès lors on comprend mieux la réserve forcée du juge et la tranquillité inexplicable des très hauts responsables impliqués. Tant est qu'eux-mêmes ne pèseraient pas lourd devant la nécessité de rendre des comptes si ce magistral brouhaha n'avait pas une odeur d'affaire d'Etat.

Alors, sans disculper en aucune manière les incriminés avec l'obligation et le devoir de leur exiger de rendre gorge, est-ce que l'on ne se tromperait pas d'abord de cible ?

L'Histoire contemporaine de l'Algérie regorge d'opacité où la force a été rarement à la loi. La guerre de libération a incrusté la règle du secret, le soutien aux mouvements de libération a encouragé la danse des ombres et la confrontation des blocs idéologiques a favorisé la culture du silence et des manœuvres tues. A cette trame particulière s'est ajouté au cœur du pouvoir le choix d'une fausse élite dirigeante qui ne compte que par sa fidélité, triée sur la base du nombre de casseroles qu'elle traîne et non sur une compétence avérée. La manipulation des hommes et la mise en avant de leurs contentieux devaient renforcer leur division pour régner et ce sont les institutions qui s'en sont trouvées décapitées.

Si la ruse et la roublardise politique sont quelques fois justifiées pour permettre un hypothétique coup de pied dans la fourmilière, elles sont surtout comme on le constate aujourd'hui porteuses de grands périls.

L'affaire de l'autoroute n'est pas seulement une histoire de quelques responsables cupides. Elle est le symbole d'une gouvernance déglinguée. La justice censée prodiguer l'harmonie étant taclée par le jeu étroit des calculettes politiques.