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Nord-Mali: un enchaînement qui risque d'être fatal à l'accord de paix d'Alger

par Kharroubi Habib

Au lendemain de l'attaque qu'ont menée les hommes de la milice pro-gouvernement de Bamako, Gatia, sur la ville de Menaka au Nord-Mali qui s'est soldée par le retrait des combattants de la rébellion touareg qui l'occupait, la CMA qui regroupe les groupes politico-militaires de celle-ci a averti qu'elle usera de son « droit à la légitime défense » pour protéger « les populations et ses positions ». C'est bien dans cette logique qu'il faut interpréter l'offensive qu'ont lancée la semaine écoulée le MNLA et ses alliés contre des positions tenues par l'armée malienne. Leur confrontation la plus violente s'est produite dans la localité de Léré au centre du Mali près de la frontière mauritanienne.

En s'en prenant à l'armée malienne, les rebelles touaregs montrent qu'ils considèrent que l'attaque qu'ils ont essuyée à Menaka de la part du Gatia n'avait pas le caractère « spontané » et non « concerté » ainsi que l'a affirmé le secrétaire général de cette milice progouvernementale, mais qu'il s'est agi d'une opération ayant bénéficié de l'accord de Bamako et d'un appui de l'armée malienne.

L'enchaînement des affrontements entre les parties maliennes fait craindre qu'il ne sera possible à la médiation internationale d'organiser le rendez-vous de Bamako du 15 mai au cours duquel la CMA doit parapher définitivement l'accord de paix et de réconciliation d'Alger. Une perspective contre laquelle a mis en garde le chef de la mission de l'ONU pour le Mali au lendemain même de l'attaque de la localité de Menaka par le Gatia. Lequel a exhorté les parties maliennes à cesser les hostilités pour ne pas enclencher la spirale d'événement qui y conduirait.

L'aberrant dans la flambée de tension et de violence qui secoue le Nord-Mali à quelques jours du rendez-vous de Bamako qui doit en principe sceller la paix entre les parties maliennes est que celles-ci se rejettent la responsabilité de cette situation, chacune affirmant pour sa part ne pas remettre en cause le processus de paix auquel elles ont pris part. Sauf qu'en ayant repris leur confrontation armée, elles mettent réellement en péril ce processus et démontrent ce faisant qu'il existe des extrémistes dans leurs camps respectifs à qui elles ne parviennent pas à faire accepter les stipulations de l'accord d'Alger.

Il n'est pas fortuit que les affrontements qui ont eu lieu à Menaka et à Léré ont opposé principalement des éléments du MNLA à la milice Gatia puis à l'armée malienne. Ces trois acteurs du conflit malien sont connus pour ne pas être « chauds » partisans de l'accord de paix réalisé à Alger, chacun craignant qu'il n'instaure au Nord-Mali une répartition de pouvoir qui se ferait au détriment de celui dont il disposait ou qu'il aspire à avoir. Les hostilités dont ils sont les protagonistes ont pris en tout cas une tournure que l'estimant à juste raison grave et menaçante pour l'accord de paix au Mali, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, a dû hausser le ton pour en exiger l'arrêt. Sera-t-il entendu ?

Rien n'est moins sûr sachant que les extrémistes des deux camps maliens en présence sont instrumentalisés par des parties étrangères pour lesquelles le retour de la paix au Mali n'est pas inscrit dans l'agenda géopolitique sur lequel elles basent leurs agissements s'agissant de ce pays ou de la zone sahélienne dans son ensemble.