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Exode rural, chômage, insécurité, marginalisation, mal-vie? : La guerre des gangs à Sidi El-Bachir? la partie visible de l'iceberg

par K. Assia

Deux jours après l'intervention des services de la gendarmerie dans le village de Sidi El-Bachir suite à une bagarre opposant, dans la nuit de mercredi à jeudi, deux bandes rivales au lieu dit Château, la situation s'est calmée, selon les habitants rencontrés hier sur les lieux. Cette agglomération située à la sortie est d'Oran sur l'axe autoroutier Oran Arzew, connaît une expansion démographique et urbanistique sans précédent. En vingt ans, la population a quadruplé et le nombre de constructions a triplé, ce qui nécessite, de l'avis des occupants des lieux, une prise en charge réelle et efficace de tous les problèmes posés et une nouvelle vision pour hisser ce village au rang de commune. Cette croissance rapide de la population, engendrée en grande partie par l'exode rural lié essentiellement à la situation sécuritaire, a fait connaître à la «localité» un second développement depuis la décennie écoulée à la suite d'opérations de recasement de citoyens provenant des vieux quartiers d'Oran. Hier, les riverains étaient unanimes quant à la détérioration de leur cadre de vie. Les concernés n'ont pas hésité à mettre en exergue le manque de commodités de base qui entravent le développement du village. «A sidi El-Bachir, le visiteur n'a pas l'impression d'être à Oran mais dans un douar perdu», avance un quinquagénaire. Sidi El-Bachir reste en marge du développement vu son urbanisation sauvage l'état déplorable de ses routes, l'absence d'espaces verts, d'aires de loisirs.. entre autres. Autant de carences qui laissent les habitants livrés à eux-mêmes comme l'a souligné ce commerçant de la route du marché. De longues ruelles parsemées de nids de poules traversent de longs quartiers non viabilisés. La population de ce bourg déshérité vit des conditions pénibles dues en grande partie à l'inexistence d'un statut juridique, administratif et communal qui élèverait cette bourgade de au rang de commune à part entière. Seule une volonté politique pourrait remédier aux maux qui touchent la société, estime-t-on. Cet immense douar situé à quelques kilomètres seulement du centre-ville d'Oran subit donc les répercussions négatives d'une situation qui frise le tragique. Outre l'état déplorable des routes, l'absence de commodités de base, les habitants dénoncent le chômage qui frappe de plein fouet les jeunes. Le malaise est profond de l'avis des riverains qui pointent du doigt les responsables locaux. Les jeunes veulent travailler et le village veut bénéficier de projets au même titre que les autres localités. En énumérant les points noirs qui enveniment leur quotidien, les habitants réclament une amélioration de leur cadre de vie et demandent que les hauts responsables se rendent dans ce village pour s'enquérir des conditions lamentables dans lesquelles ils vivent. Certains, conscients de cette réalité amère, disent avoir déjà alerté les pouvoirs publics sur ce malaise mais rien n'a été fait pour empêcher cette agonie. Hier, et après les derniers incidents de la nuit de mercredi, la population n'avait qu'un souhait : que justice soit faite et que les responsables appliquent la loi dans toute sa rigueur. Autrement dit, ces récidivistes connus par les services de sécurité doivent être sévèrement punis pour qu'ils ne recommencent plus. Les habitants optent pour le renforcement de la sécurité intra muros. Une seule brigade de gendarmerie reste insuffisante face au nombre d'habitants de Sidi El-Bachir. Les riverains disent avoir déjà soulevé le problème et réclamé la réalisation d'une sûreté et d'une brigade d'intervention.

Pour rappel, les faits remontent à la nuit de mercredi lorsque deux bandes rivales munis de cocktails Molotov et d'épées se sont affrontées dans un bidonville appelé Château. A la vue des équipes d'intervention de la gendarmerie, les auteurs se sont dispersées et ont vite pris la fuite. Certains n'ont pas hésité à lancer des fumigènes en ciblant dans leur lancée 14 tables du marché de proximité avant de prendre la poudre d'escampette. Alertés, les équipes de la Protection civile se sont dépêchés sur les lieux où ils ont procédé à l'extinction des flammes. Le lendemain, une vaste opération coup-de-poing est menée par tous les effectifs du groupement de la gendarmerie d'Oran. Le dispositif a été déployé à travers tous les quartiers du village avec pour objectif de neutraliser les deux gangs à l'origine de ces incidents. Les gendarmes ont passé au peigne fin marchés, stations de bus, cafés, placettes et autres endroits publics. Pas moins de 1.206 individus ont été interpellés et soumis au fichier en vue d'être identifiés. Les gendarmes ont arrêté huit personnes impliqués dans ces troubles. D'autres ont été identifiées et demeurent activement recherchées. Cette intervention musclée a permis également de saisir 1.200 bouteilles de boissons alcoolisées, 200 grammes de kif à douar Boudjemaâ, 4 armes blanches. Un véhicule volé à Oran a été récupéré à l'issue de cette opération qui, selon les gendarmes, est menée tous les jeudis dans cette agglomération. Les services de sécurité rappellent qu'aucun blessé n'a été enregistré et qu'aucune route n'a été bloquée à la circulation dans ces incidents. Les recherches se poursuivent pour l'arrestation des auteurs en fuite.

L'année dernière, un atelier clandestin spécialisé dans la fabrication d'armes blanches a été démantelé par les gendarmes. Les armes étaient revendus à des bandes qui s'adonnaient aux agressions au niveau de la Montagne des Lions et sur l'autoroute.

Suite aux doléances des habitants, un projet de réalisation d'une sûreté et d'une brigade mobile de la police judiciaire BMPJ a été retenu pour cette agglomération. L'entreprise a été installée et les travaux, financés sur budget de la wilaya, ont été lancés.