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France: manifestation historique ! Dimanche, la France entière s'est mobilisée pour la République

par Pierre Morville : Paris

Un jour historique. Des millions de manifestants de toutes origines, de tous bords, de toutes classes sociales ont défilé dans toutes les villes françaises dans le calme, sans heurts, sans mots d'ordre imposés, pour protester contre le terrorisme et pour défendre les valeurs de la République.

Au moins 3,7 millions de personnes recensées officiellement par les préfectures (A Pau, la moitié de la population locale; 140 000 personnes à Bordeaux ! 4 millions en gros), ont manifesté dimanche partout en France pour protester contre l'attaque djihadiste contre la rédaction de Charlie Hebdo. Un Français sur 16 était dans la rue? De mémoire hexagonale, on ne connaît pas une telle manifestation du peuple français. Et si l'on ramenait ces chiffres à l'échelle mondiale, c'est certainement dans l'histoire, l'un des plus grands moments où « le peuple est descendu dans la rue».

Il y a certainement existé en Chine pendant la Révolution culturelle, ou sous l'URSS de Staline, des défilés de rue numériquement plus imposants. Mais il n'est pas certain que les participants y aient été présents de façon très volontaire? «Je suis Charlie» !

Si l'importance et la multiplicité des cortèges a surpris autant les médias que les politiques, tout le monde était d'accord pour caractériser la journée : émotion, unité, calme.

L'émotion était palpable. Les larmes coulaient facilement et, fait rare dans des rassemblements aussi nombreux, le silence régnait le plus souvent, comme s'imposant. L'unité était réelle. L'afflux fut si massif que les partis politiques, les syndicats, les multiples associations qui appelaient à manifester, n'ont jamais réussi tout au moins à Paris, à organiser de véritables cortèges. Du coup, tout le monde manifestait avec tout le monde, tous émus et chacun discutant avec son voisin, sans savoir les inclinaisons politiques de celui-ci.

Du coup, l'unité était réelle. La République était là et la Marseillaise résonnait souvent. La diversité de la foule surprenait encore, toutes races, toutes classes, toutes confessions, toutes nationalités confondues.

Enfin, les quelques quatre millions de personnes qui ont manifestées pendant plus de sept heures, dans une centaine de villes, l'ont fait dans un calme absolu. C'est évidemment un acte d'autodiscipline : aucune force de police ne peut contrôler une telle ampleur protestataire. 5500 policiers avaient été mobilisés; et pour la 1ère fois dans une manif, les CRS ont été applaudis !

Les terroristes voulaient faire peur (étymologiquement : la terreur, étymologiquement du sanscrit «tras», trembler).

Et bien, les Français ont montré qu'ils n'en avaient pas peur.

FORTES DELEGATIONS INTERNATIONALES

De très nombreuses manifestations de sympathies ont eu lieu partout dans le monde, notamment dans toute la zone francophone. Mais pas seulement.

En Palestine, à Ramallah, des Palestiniens se sont réunis sous une nuée de drapeaux palestiniens et français ; une banderole proclamait « La Palestine est solidaire de la France contre le terrorisme ». Dans la ville de Gaza, selon l'agence de presse chinoise Xinhua, des dizaines de citoyens de cette ville martyre ont allumé des chandelles devant le centre culturel français, qui, au cours des trois derniers mois, avait été pris pour cible à deux reprises dans des attentats à la bombe.

Mais la présence lors de la manifestation dans les rues de Paris de 56 chefs d'Etats ou de gouvernements étrangers, présidents d'institutions internationales apportait évidemment une solennité toute particulière : citons-les, pour le fun de ces 30 minutes de marche commune: la chancelière allemande Angela Merkel, le Premier ministre britannique David Cameron, le président du conseil italien Matteo Renzi, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le président du Parlement européen, Martin Schulz, le président du Conseil européen Donald Tusk, les chefs de gouvernement danois Helle Thorning-Schmidt, belge, Charles Michel, néerlandais, Mark Rutt, grec, Antonis Samaras, portugais, Pedro Passos Coelho, tchèque, Bohuslav Sobotka, letton, Laimdota Straujuma, bulgare, Boïko Borisov, hongrois, Viktor Orban et croate, Zoran Milanovic ainsi que le président roumain, Klaus Iohannis.

Hors UE : le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, le Premier ministre Benjamin Netanyahu (qui, après avoir eu le culot d'appeler urgemment les Français israélites à partir très vite en Israël, n'a pas eu, sur le sol français, un mot de compassion pour les victimes non juives des attentats), le président palestinien Mahmoud Abbas, le roi de Jordanie Abdallah II et la reine Rania, la présidente de la Confédération suisse Simonetta Sommaruga, la présidente du Kosovo Atifete Jahjaga, les Premiers ministres albanais Edi Rama, turc Ahmet Davutoglu et géorgien Irakli Garibachvili, le président ukrainien Petro Porochenko et le Premier ministre tunisien Mehdi Jomaa.

L'Afrique avec les présidents malien Ibrahim Boubacar Keïta, gabonais Ali Bongo, nigérien Mahamadou Issoufou et béninois Thomas Boni Yayi, l'Amérique du Nord avec le ministre américain de la Justice Eric Holder et le ministre canadien de la Sécurité publique Steven Blaney? Le Maroc était absent. Mehdi Jomâa, le 1erministre tunisien était là. L'Algérie a été représentée par son ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra.

Bref, voir une cinquantaine de chefs d'état manifester, uniformes dans leurs costumes, en lignes incertaines, côte-à-côte autour du président de la République française, bras dessus-bras dessous, dans la froideur de ce mois de janvier, laissera un souvenir impérissable.

Paris sera toujours Paris !

Renforcer l'unité de tous

Jour historique. Par définition, ces jours-là n'ont pas de lendemain ou des lendemains difficiles. La politique va reprendre ses droits.

Sur ce plan, il faut souligner la conduite impeccable de François Hollande. Souvent décrit comme hésitant ou louvoyant, le Président de la république a géré la situation d'une main de maître. Dès les premières heures de l'affaire, il a mesuré les enjeux de la situation et ses risques. Son appel à «l'Union nationale» a permis d'éviter bon nombre de polémiques politiciennes. La bonne efficacité des forces de police lui ont permis de tenir un timing très serré et d'éviter qu'il se produise tous dérapages antimusulmans ou d'actes contre la communauté arabe en France. Il a ensuite invité tous les responsables de formations politiques à l'Elysée, dont Marine Le Pen mais il n'a pas convié le Front National à l'organisation du rassemblement parisien du dimanche.