Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Tant qu'il y aura du pétrole

par Yazid Alilat

Le temps des vaches maigres serait-il arrivé de nouveau ? Personne ne le souhaite. L'économie mondiale, du moins dans les pays OCDE, n'est plus en crise, elle a su traverser sans grandes difficultés, mais avec de sérieux programmes de restructurations budgétaires et un recentrage sur les activités exportatrices, la grande tempête de 2008 à 2010. Les places boursières ont repris du «poil de la bête», la production manufacturière a repris son rythme d'avant la crise et la bulle financière est un lointain souvenir.

Aux Etats-Unis, en Europe, la reprise reprend, même si les taux ne sont pas élevés, mais elle reprend quand même. Il y a eu des sacrifices, de la sueur, des drames et des malheurs. Mais l'effondrement de l'économie mondiale a été évité. En Algérie, pourtant, la situation est dans le rouge. Paradoxalement, lorsque la crise économique bouffait les tripes des grandes économies développées, les responsables algériens, en pleine tempête, clamaient à qui voulait les entendre que le pays est prémuni contre de telles crises systémiques. La raison en est que ceux qui planifient notre économie, et son avenir, ne conçoivent pas d'autres sources de revenus du pays en dehors des hydrocarbures. Mais, la mamelle du pays est arrivée ainsi à se tarir, laissant béantes de grandes brèches dans l'économie algérienne.

En fait, la grande misère de l'Algérie est que les opérations de restructuration industrielle, et même agricole, ne se font que dans les moments de grande dépression, jamais lorsque l'argent coule à flots. Et, après les années 1990 et le fameux plan d'ajustement structurel du FMI, et celles de 2000 dans le sillage de l'adhésion à l'UE, avec leur lot de destruction d'entreprises publiques, de mise au chômage de centaines de milliers de travailleurs, d'expériences industrielles funestes et vouées à l'échec, car non réfléchies, on retombe de nouveau dans les mêmes travers. Le ministère de l'Industrie pense ainsi que le système de fonctionnement actuel du secteur, avec le SGP, n'est plus viable. Pis, selon le patron du secteur, les SGP sont actuellement dans une «situation de délitement», ce qui nécessite selon lui de revoir tout le mécanisme de fonctionnement de ces SGP et de les reformuler en groupes industriels.

Une fois de plus ou encore, c'est selon, ceux qui sont en charge des secteurs économiques névralgiques du pays rejouent de nouveau au «yo-yo» avec l'avenir de l'Algérie. Et de restructuration en restructuration, d'expérience catastrophique ayant hypothéqué les potentialités industrielles et agricoles du pays, on en est arrivé aujourd'hui, avec un plongeon dramatique du cours du brut, à proposer d'autres restructurations, d'autres mécanismes qui n'ont jamais donné de résultats. Le bouchon est poussé trop loin cette fois-ci, avec cette «énième» restructuration du secteur industriel et, surtout, les groupes industriels.

De l'extérieur, l'Algérie donne ainsi cette fâcheuse image que ses responsables ont inventé un jeu dangereux: celui des restructurations, au moins tous les cinq à dix ans. Résultat: le pays n'arrive plus à produire ce qu'il consomme et consacre l'essentiel de ses exportations d'hydrocarbures à acheter ses biens de consommation. Sauf qu'aujourd'hui les recettes du pétrole ne suffisent plus à maintenir cette fringale importatrice et dont le niveau met le pays dans une situation financière alarmante, au moment où l'industrie algérienne est occupée à opérer une «énième» mue. La restructuration industrielle avait commencé sous l'ère Ouyahia au milieu des années 1990. Quand cessera cette absurdité ?