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Ces djihadistes aux yeux bleus

par Moncef Wafi

Les attentats du 7 et 8 janvier dernier qui ont ébranlé Paris font craindre le pire pour l'Europe qui a réuni ses ministres de l'Intérieur pour décider d'une panoplie de mesures à prendre afin de renforcer son dispositif de lutte contre le terrorisme. Craindre le pire, car la synchronisation dans le passage à l'acte entre les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, si l'on croit les analyses des services de renseignements français, laisse présager d'un plan mûrement réfléchi et d'une stratégie de guérilla urbaine bien huilée qui s'étendrait au-delà des frontières hexagonales. En effet, l'Europe a la hantise de «ses» djihadistes partis s'aguerrir sur les fronts syriens et irakiens et les nouvelles mesures préventives préconisées lors de la réunion de ce dimanche tendent à contrôler leurs mouvements en dehors des frontières européennes. Ces combattants étrangers qui détiennent des passeports de pays de l'Union européenne représentent la plus grande menace actuelle contre les intérêts européens et américains puisqu'ils peuvent se fondre dans le décor froid du Vieux continent. Et ils sont nombreux ces djihadistes puisqu'ils sont estimés facilement, en septembre dernier à 3.000, selon le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme. Gilles de Kerchove avait donné, deux mois seulement auparavant, le chiffre de quelque 2.000 combattants expliquant cette courbe ascendante par l'avancée sur le terrain du groupe Etat Islamique et à la proclamation d'un «califat» sur les zones conquises. Presque tous les pays européens ont leurs djihadistes, aussi bien la France, qui représente le plus grand contingent, que la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark, mais aussi l'Espagne, l'Italie, l'Irlande et l'Autriche. Le plus problématique pour les services de renseignements européens, c'est que les analystes estiment entre 20% à 30% de ces ressortissants ou résidents européens qui sont rentrés chez eux. Si certains ont repris plus ou moins une vie normale, une partie radicalisée représente une menace et c'est ce qui inquiète Bruxelles. Ainsi, le danger, comme ce fut le cas pour les tueurs de Charlie Hebdo et le preneur d'otages de la Porte de Vincennes, est le passage à l'acte d'un loup solitaire qui, avec une kalachnikov peut faire beaucoup de dégâts. L'exemple de Mehdi Nemmouche, rentré de Syrie en Belgique en passant par l'Allemagne, est édifiant. Il a été inculpé pour la fusillade qui a tué fin mai quatre personnes au musée juif de Bruxelles. L'Europe se retrouve confrontée à ses propres passeports endoctrinés et entraînés pour faire le plus grand nombre de morts en représailles des bombes lâchées contre les troupes de Daech en Irak et en Syrie. L'Europe n'est pas la seule à craindre ses djihadistes puisque même les pays d'origine sont ciblés.

Le Maroc reste une cible potentielle d'attentats terroristes commandités par l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le Royaume craint particulièrement ses ressortissants qui combattent en Syrie et en Irak, dont plus des deux tiers sont porteurs d'un double passeport. Pour le ministre marocain de l'Intérieur, «le danger est double» avec les binationaux dans la mesure où ils bénéficient de passeports européens facilitant leur mobilité. Des djihadistes marocains aguerris au combat et maîtrisant également la fabrication de bombes et d'«engins explosifs indétectables» ainsi que le maniement d'armes lourdes, comme le précisera le ministre marocain de l'Intérieur. L'Algérie n'est pas en reste et comme mesures préventives, Alger a décidé de renforcer la sécurité autour de ses représentations diplomatiques dans une vingtaine de pays africains, arabes et asiatiques.