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Usine de Oued Tlélat : Bouchouareb demande à Renault un «effort pour les prix»

par Ghania Oukazi

«Au regard de toutes les facilitations que vous avez eues -tout ce que vous avez demandé, vous l'avez eu- nous attendons de vous un effort pour les prix.»

C'est la phrase qui résume clairement les concessions que l'Algérie a été obligée de faire à la France pour que le groupe Renault accepte d'installer une de ses sociétés à Oued Tlélat, près d'Oran. C'est peut-être la phrase de trop que le ministre de l'Industrie et des Mines ne devait pas prononcer, hier, pour éviter de laisser libre cours à toutes les interprétations possibles et imaginables qui pourraient lui être données. Une des plus possibles, est d'ordre politique. A l'époque de la négociation du projet avec la France, Bouteflika se préparait à trouver la parade pour se lancer dans la quête d'un 4ème mandat présidentiel. Le soutien du président français, François Hollande, lui était plus que nécessaire, en cette période où l'Occident avait déclenché ce qu'il a qualifié, vulgairement, de «printemps arabe», ceci pour changer d'interlocuteurs, au plus haut sommet des Etats arabes.

 Abdesselem Bouchouareb a formulé la demande de «l'effort» après que le représentant du groupe automobile français Renault ait terminé son intervention. «Dieu merci, il n'y a jamais eu de désaccord,» avait déclaré le P-DG de Renault production de l'usine d'Oran, résumant ainsi l'état d'obéissance de l'Algérie, face aux demandes et conditions des Français. Le responsable français a rappelé que pour ce partenariat algéro-français, pourtant purement économique et commercial, les chefs d'Etat des deux pays ont signé, le 12 février 2012 «le pacte des actionnaires.» Il a été remarqué, tout au long, des discussions, sur ce projet, que c'était le gouvernement algérien qui s'était chargé de médiatiser, à tout bout de champ, «le bon rythme des négociations et la parfaite entente des actionnaires.» Il l'a fait d'une manière parfaite.

«RENAULT EST TRES FIER DU MARCHE ALGERIEN»

La société Renault Algérie a été créée, à Oran, en janvier 2013. «C'est un projet stratégique pour les deux pays,» a noté son P-DG. Il affirme même que «Renault est très fier du marché algérien, c'est le plus important dans le monde.» Il a souligné que «toutes les administrations algériennes nous ont permis d'aller très très vite et les lois algériennes ont été, strictement, respectées.» C'est, selon lui «un projet par étapes, à raison de 25.000 véhicules, dans un premier temps, pour aller vers 75.000, dans quelques années.» En prévision «intégrer tous les métiers automobile,» dit-il. Pour un début «il y a la tôlerie, la peinture et l'emplissage.» Il rassure «le succès va venir sans aucun doute.»

Structuration du projet, bien que la règle 51/49 ait été respectée à raison des 49 pour le partenaire français et des 51 divisés entre 2 entités algériennes, SNVI et le CNI, la partie française a, pratiquement, noyé son impact dans «le cahier» des lourdes conditions qu'elle a posées, pour, enfin, accepter d'installer son groupe à Oran. «Le véhicule ?Made in Algérie', pour qu'il soit accessible aux Algériens, il fallait restituer le crédit à la consommation,» a dit le P-DG de la société ?Renault production Oran'. Ce qui a été d'ailleurs fait malgré les agitations du ministère des Finances. Il a juste fallu donner à la décision du gouvernement de le réinscrire dans sa Loi de finances, un caractère «populaire et populiste.» C'était, donc, au Secrétaire général de l'UGTA qui avait été chargé de claironner sa restitution, haut et fort, à chaque fois qu'il était face à la presse. Renault a accepté de ne produire que la Symbol, le bas de sa gamme. Pour ce qui est de l'intégration locale, le P-DG précise qu' «il y a quelques pièces plastique depuis quelques semaines.» Il fera savoir, cependant, qu'un joint-venture a été signé avec un partenaire algérien pour que «les sièges arrivent, directement, d'une région algérienne à l'usine.»

QUAND L'HISTOIRE RAPPELLE A L'ORDRE

Le P-DG de l'usine «Renault production Oran' ne manque pas de souligner que «nos sous-traitants doivent être qualifiés» pour soutenir qu'en attendant, «il vaut mieux importer les pièces de rechange.» Montée sur un périmètre où était implantée la défunte Sonitex, liquidée, celle-là, pour être bien fermée, la société Renault emploie «quelques expatriés pour le transfert de technologie», mais a recruté la main-d'œuvre locale. «Dans un mois, 87% des personnels seront strictement algériens,» promet le P-DG. Il indique que «le véhicule est 100% nouveau, il est équipé d'un système GPS, c'est une première en Algérie.» Ce qui fera dire au ministre de l'Industrie et des Mines que «c'est le haut de gamme.» Bouchouareb demandera, alors, gentiment, au responsable français d'être clément en matière de prix en lui rappelant «toutes les facilitations que vous avez eues, tout ce que vous avez demandé, vous l'avez eu.» La seule concession que l'Algérie semble avoir rejetée c'est l'inauguration, un 2 novembre, du 1er véhicule sorti de cette usine. «C'est au lendemain du 1er Novembre, date du déclenchement de la Révolution algérienne contre le colonialisme français, on ne peut inaugurer un produit français, juste le lendemain de cette date historique, marquant pour cette année, son 60ème anniversaire,» nous avait dit un haut responsable. Annoncé, en effet, pour le 2 novembre dernier, selon son P-DG d'ailleurs, la sortie du 1er véhicule Renault, à Oran, se fera le 10 de ce même mois, c'est-à-dire lundi prochain.

Le représentant d'Airbus a choisi, lui, de présenter l'hélicoptère pour attirer l'attention de l'armée algérienne sur son importante utilité, dans ces moments où la sécurité des frontières du pays doit être renforcée. «?Airbus hélicoptère' est le marché le plus important dans le secteur militaire,» a-t-il commencé par dire. L'hélicoptère peut, selon lui, servir pour les services des urgences, les recherches, la reconnaissance des lieux, le transport des passagers VIP mais surtout des troupes et aussi le personnel pétrolier, la surveillance du maintien de l'ordre, dans les combats? «L'Algérie se trouve dans une position tout à fait intéressante, elle est la jonction entre l'Europe et l'Afrique,» a-t-il précisé.

«UNE BELLE HISTOIRE QUI CONTINUE?»

Pour qu'il pense à ouvrir «une antenne», il demande en premier «la facilitation de l'acte d'investir, des procédures administratives et des modes de financement.» Il veut que le gouvernement algérien «encourage les capitaux étrangers.» Il fait savoir qu'il souhaite développer des partenariats importants «dans le cadre des relations franco-algériennes qui sont très bonnes.» Le directeur des offsets et compensations du constructeur aéronautique français ?Airbus hélicoptère', propose la constitution de groupes de travail mixtes «pour discuter, réfléchir et définir ce que nous pouvons faire ensemble.» Le ministre de l'Industrie et des Mines lui dit «nous voulons renforcer notre industrie dans son segment mécanique, pourquoi pas ajouter votre expérience à ce groupe ?!?» Il le rassure «c'est la meilleure solution qu'on puisse réaliser, dans le cadre de la relation algéro-française, l'intérêt est enregistré, je prends acte.»

Bouchouareb enchaînera avec le spécialiste américain en machinisme agricole pour déclarer «on a commencé avec vous, une belle histoire qui continue.» Installé, en 2012, à Constantine, l'objectif des patrons de l'usine américaine de construction de tracteurs est clair : «l'Algérie est la porte d'entrée pour l'Afrique et se situe aux portes de l'Europe. «Il est prévu qu'ils construisent, cette année, 2.000 tracteurs, pour les besoins algériens et en 2017, ils promettent d'en faire 5.000 «pour l'exportation vers les pays africains limitrophes.» Pour peu, ajoute leur représentant «que le marché algérien soit satisfait. «Avant de quitter la tribune de la conférence sur le développement économique et social qui se tient, depuis mardi, au palais des Nations de ?Club des pins', il déclare «nous voulons aider l'Algérie à être capable de nourrir sa population.» Les travaux prennent fin, aujourd'hui, jeudi avec la promesse du ministre de l'Industrie et des Mines que «toutes les recommandations des différents ateliers seront prises en considération par le gouvernement.» Plusieurs thèmes sont débattus, depuis hier, en ateliers. Les mêmes questions et préoccupations sont posées par les patrons et hommes d'affaires. Le mode opératoire pour faire émerger une économie productive, créatrice de richesses n'est pas encore «trouvé.»