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Mouton de l'Aïd : La guerre des prix ne fait que commencer

par Hadj Mostefaoui

Rares seront les familles qui pourront s'offrir le luxe de faire le sacrifice d'Abraham cette année. Et pour cause, les prochains jours n'augurent rien de bon depuis que le ministère de l'Agriculture a levé la mesure de fermeture des marchés à bestiaux. Les prix proposés s'emballent et les éleveurs s'en donnent à cœur de joie car ils ne font que bomber le torse aux côtés des moutons qu'ils proposent à la vente, annonçant sans rougir la couleur. D'ailleurs, ils se sont passés le mot. Le mouton vendra très cher sa toison cette année et ils n'offriront aucune marge de répit au consommateur. Les raisons de cette brutale hausse des prix s'expliquent selon eux par tout un éventail de contraintes nées depuis le début du printemps dernier. Echaudés par une longue période de disette ainsi que par la rareté et la cherté de l'aliment du bétail, les éleveurs n'ont pas cédé d'un seul pouce et comptent faire payer aux consommateurs tous leurs déboires. Habitués à ce genre de situations critiques, de puissants hommes d'affaires opérant dans ce juteux créneau n'ont pas perdu de temps et raflent les premières têtes de béliers à des prix qui donnent en même temps le tournis et des sueurs froides. Mettant le paquet, comme d'habitude en pareille période, ils sont venus par convois entiers des wilayas steppiques de M'Sila, Setif et même de l'extrême est du pays pour faire main basse sur le cheptel ovin de la région en prenant d'assaut les 3 principaux marchés hebdomadaires aux bestiaux de la wilaya, El-Bayadh, Bouktob et El-Abiodh, véritables plaques tournantes du mouton de l'excellente race locale dite « Rimbi ». Nous avons croisé sur notre chemin en ce début de semaine des camions dans lesquels s'entassent des dizaines de têtes, destinés à alimenter les marchés des wilayas de l'Est. Nullement inquiets de la cherté du produit ils savent pertinemment que les bénéfices engrangés au bout du chemin seront faramineux. L'un d'eux nous désigna du doigt un agneau parmi tant d'autres aux cornes à peine émergées et dont le poids n'excède pas les 20 kilogrammes, arraché au prix fort et après moult tractations à 45.000 DA. C'est dire que la toison du mouton vaut bel et bien cette année son pesant d'or. La bataille des prix ne fait que commencer et le bras de fer engagé entre l'éleveur et ses potentiels clients risque de tourner uniquement en faveur du premier et de faire beaucoup plus de mécontents dans les rangs des seconds, plus particulièrement ceux aux revenus moyens. Rares sont les chefs de famille qui vont opter pour l'achat d'un caprin pour satisfaire la marmaille, ce serait plus qu'une honte pour les enfants qui porteront sur leur dos et à jamais cette concession au rituel. Seuls les intermédiaires « smasria » sauront tirer leur épingle du jeu, sachant saisir au vol les opportunités en effectuant de gros achats, par troupeaux entiers, sous la tente du nomade-producteur non averti, appâté et piégé pour la circonstance. Les éleveurs sont déterminés à ne point faire de quartier. Ils sont, nous dit-on, déterminés à remporter une large victoire et battre à plate couture toute cette armada d'acheteurs qui leur tombera ces prochains jours sous les griffes. D'autres éleveurs sont, nous dit-on, très tentés à la veille de l'Aid El-Kebir d'écouler de jeunes brebis, de moins de 15 kilogrammes, mais à des prix moindres, soit plus de 25.000 DA l'unité. Mais cette pratique risque de porter un sérieux préjudice au capital cheptel de la région et l'intervention de brigades spéciales dûment désignées par le ministère de l'Agriculture, à chacun de ces marchés ainsi qu'à ceux ouverts clandestinement sur les places publiques des centres urbains, est vivement souhaitée pour mettre fin à cette saignée sans précédent que connaîtra cette seule et unique ressource vitale de la population nomade, vitale également pour l'économie nationale.