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Alger-Paris, coopération ou opposition?

par Kharroubi Habib

La semaine dernière, Jean-Yves Le Dréan, ministre français de la Défense, a déclaré que « la France doit intervenir en Libye », révélant par là que Paris prépare une opération militaire dans ce pays enfoncé dans une situation de chaos pleine de menaces pour la sécurité et la stabilité régionale, voire même celle de l'Europe. Sa déclaration a fait réagir les autorités algériennes qui par la voix du Premier ministre Abdelmalek Sellal ont signifié l'opposition de l'Algérie à une intervention militaire étrangère dans le pays voisin.

Il ne faut par conséquent pas s'étonner que venant peu après la déclaration de Le Dréan et la réplique de Sellal, la visite qu'effectue depuis hier en Algérie le chef d'état-major des armées françaises suscite interrogations et spéculations. La raison de cette visite telle que donnée par l'ambassade de France, à savoir qu'elle s'inscrirait dans le cadre du « suivi de la visite du président Hollande en Algérie de 2012 » et destinée à « poursuivre l'étroite concertation entre l'Algérie et la France sur toutes les questions régionales et la nécessité de lutter ensemble contre le danger commun que représente le terrorisme », a laissé dubitatif. Tant il est flagrant que le timing de la venue en Algérie du patron de l'armée française établit clairement qu'elle est en lien avec la déclaration de Jean-Yves Le Dréan.

Que serait donc venu faire en Algérie le général Pierre de Villiers si ce n'est obtenir pour le moins l'accord de l'Algérie à l'option militaire que Paris semble avoir adoptée et pourquoi pas la contribution à celle-ci de l'armée algérienne ? Dans cette optique, Paris suit une démarche similaire à celle que les Américains déploient dans le cas irakien à savoir monter une coalition impliquant les Etats régionaux qu'inquiète la menace que l'Etat islamique fait peser sur leur pays à partir de l'Irak dont il occupe une partie du territoire. Paris s'est acquise l'approbation des pays sahéliens frontaliers de la Libye, le Niger, le Tchad, le Mali et peut-être d'autres encore.

Il lui faut néanmoins plus pour faire admettre qu'une intervention militaire en Libye à l'initiative de la France se justifie et ne lui vaudra pas d'être accusée de motivations néocolonialistes et étroitement de l'ordre des intérêts français. L'Algérie et l'Egypte sont à ce titre les deux pays voisins que Paris tente d'entraîner à ses côtés. Or ces deux Etats que la situation en Libye concerne au premier chef ont anticipé la tentation que la France affiche et travaillent en commun à convaincre les Libyens à privilégier le dialogue national ouvrant la voie à leur réconciliation et à la consolidation de leurs institutions démocratiques. Il ne fait pas de doute que Paris fait pression dans ce sens sur les autorités algériennes en leur faisant valoir que la situation en Libye a atteint un point de gravité tel que l'option politique prônée par l'Algérie s'en trouve dépassée. Exactement le même argument que la France a mis en avant pour justifier son intervention au Nord-Mali.

Dans ce dernier cas, l'Algérie après avoir pesé le pour et le contre et dérogé à sa doctrine édictant qu'elle ne contribue pas à des interventions étrangères avait accordé une discrète assistance logistique à l'opération Serval. Au mieux, Paris ne peut attendre plus de l'Algérie dans celui de la Libye. L'Algérie a payé cher en retombées les initiatives belliqueuses de la France dans son environnement régional et cultive une légitime méfiance à l'égard du rôle joué par elle dans cette région marqué par une volonté masquée d'affaiblir son influence et sa position de puissance régionale.