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La Libye n'est pas le nord du Mali

par Yazid Alilat

La visite en Algérie du chef d'état-major des armées français, le général Pierre de Villiers, est un casse-tête pour beau-coup d'observateurs. Car souvent dans ce genre de visites de haut gradés étrangers en Algérie, aucune information n'est donnée sur l'agenda de cette visite. Hormis les mots protocolaires d'usage, rien ne filtre sur les discussions entre les deux parties. Ce qui, à l'heure politique et sécuritaire maghrébine actuelle, est un signe éminemment révélateur sur la situation critique dans la région. Plus exactement en Libye où le chaos politique doublé d'une guerre violente entre factions djihadistes qui se disputent le pays est devenu une menace potentielle pour l'ensemble des riverains de la Méditerranée. A commencer par l'Algérie dont les frontières avec la Libye sont surveillées comme le lait sur le feu.

 Mais, comme la Libye est devenue en même temps une zone de transit d'armes de guerre et de groupes djihadistes, les données du problème ont changé pour devenir une menace directe autant sur les pays voisins que ceux de la rive nord de la Méditerranée. La Libye post-Kadhafi est à la dérive, le pays n'a plus d'institutions ni de gouvernement pour stabiliser les choses. Est-ce dès lors une grande surprise si le n°2 des armées françaises fasse une visite à Biskra tout près des frontières avec la Libye ? Y a-t-il un lien entre cette visite et les appels du pied de Paris pour que l'Algérie s'implique plus franchement dans les opérations militaires que la France envisage de mener en Libye contre les groupes djihadistes ? Ce qui est sûr, pour le moment, est que la France se prépare à intervenir militairement en Libye et elle voudrait bien faire coup double en entraînant l'Algérie dans cette aventure. C'est même une demande clairement exprimée par le ministre français de la Défense qui, en rappelant la ?'collaboration'' dans l'épisode malien, voudrait que l'Algérie s'implique militairement dans cette opération que prépare la France en Libye.

 Pour autant, si la menace terroriste reste potentielle pour l'Algérie, la situation explosive, chaotique en Libye étant un puissant facteur d'instabilité régionale, un réel motif d'inquiétude, Alger reste calme. L'Algérie, qui tient à conserver ses bonnes relations avec Paris, n'est pas partante même cette fois-ci pour une seconde guerre contre le peuple libyen, d'autant qu'en face, en Libye, il n'y a pratiquement que des groupes politico-militaires incontrôlés, puissamment armés, qui peuvent du jour au lendemain être ?'retournés'' pour ensuite déposer leurs armes avec une solution politique. Dès lors, que vaudra une intervention militaire étrangère de plus en Libye, avec tout le mal qui a été fait à ce pays, désormais divisé, instable, où l'insécurité règne ? D'autant que les calculs étrangers dans les régions de grands conflits n'ont jamais abouti à autre chose que d'exacerber encore plus ces conflits. Et puis la Libye n'est pas le nord du Mali. Loin s'en faut.