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La ville s'habite, la métropole s'active

par M. Abdou Benabbou

Il peut paraître malséant de vouloir aborder le futur d'une ville comme Oran, avec des projections sur plusieurs décennies, quand ses automobilistes se font racketter tous les jours par des malfrats aux gourdins lourds qui se sont octroyés par la force des pans entiers de rues. Il est trop facile pour les gestionnaires de la ville de se défiler avec comme naïve réponse qu'ils préféraient ce terrorisme-là à celui des maquis.

Trop simple excuse qui n'a de valeur que celle d'une formidable impuissance et d'un raisonnement presque effarant qui veut que la puissance de l'Etat ou la preuve de sa présence se limite à la multiplication des barrages routiers ou à la parade des uniformes. La puissance de l'Etat et la preuve de sa présence sont bien autre chose que les sirènes de motards et le dictat des appariteurs et le bon vouloir des femmes de ménage et des préposés.

Il peut s'avérer cependant utile de tenter de décortiquer les raisons de l'ensemble des profondes excroissances qui gangrènent la vie de la population et essayer d'opter pour la franchise d'un langage pour au moins se satisfaire d'assumer sa part de responsabilité.

La réunion initiée aujourd'hui par Le Quotidien d'Oran et l'APW et qui regroupera plusieurs ministres avec une partie de l'élite industrielle et intellectuelle oranaise est seulement une tentative pour parler vrai et voir comment trouver les voies et moyens pour aboutir à une ambition collective qui, manifestement, est réclamée par tous. Au vu de la complexité des problèmes et de leurs profondeurs, se regarder les yeux dans les yeux pour débattre juste ne sera pas aisé. Peu importe s'il y aura fatalement des non-dits trop lourds dans une conjoncture politique particulière et s'il sera difficile de se départir de la froideur de l'esprit pour avoir la franchise pour signifier, à juste titre, que tout est affaire de choix des hommes et que l'avancée des compétences au premier rang est la grande histoire de la démocratie.

Il serait naïf de croire que les arrière-pensées ne sont pas pléthores tant la culture de la débrouillardise et de l'opportunisme de bas étage est sérieusement ancrée. Le chacun pour soi en utilisant l'autre est un sport national individuel. Le manque de compétence et celui de savoir-faire sont des handicaps sérieux. Non seulement ils neutralisent tout effort de progrès mais ils pervertissent en plus les rapports entre les acteurs économiques, sociaux et culturels, en installant des règles et des normes où le bakchich, qui sent mauvais, est roi. Incidence logique du déploiement d'une grande partie de la classe politique aux tenants douteux et d'une mouvance d'acteurs économiques formatés aux ambiances des obscurités. Cependant, que l'Algérie ait pu rester debout malgré les terribles secousses qu'elle a subies pendant plus de dix ans est un signe révélateur de la capacité d'endurance de ses enfants. On a vu comment un simple courant d'air a pu emporter d'autres pays vers la scission et les plonger dans le désastre.

Mais en attendant ! Faut-il se limiter aux débats de café ? N'est-il pas encore temps de rassembler ce qui reste de bonne foi chez les gouvernants et chez les gouvernés, tous enfants de ce pays, pour tenter une originale grande campagne de reboisement d'idées pour faire de la politique autrement ? Car à bien regarder ce qui se passe aujourd'hui à Ghardaïa, n'est-il pas d'abord une défaillance de partage et de communication ?

Loin, très loin de toutes les consonances politiciennes et partisanes, la rencontre d'aujourd'hui est seulement une porte ouverte pour s'initier à la communication positive même si elle pourrait déranger. Pour une fois, plusieurs membres du gouvernement auront comme compagnons de table des acteurs de terrain de toutes les catégories et de tous les secteurs, des membres d'exécutifs locaux, des maires et des directeurs de grandes entreprises pour amorcer un débat sur l'avenir d'une grande ville comme Oran.

Oui, c'est un prétexte aussi pour casser des murs qui séparent les hommes pour débattre finalement de l'avenir de leur pays.