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Et maintenant? que va-t-on faire ?

par Abdellatif Bousenane

Si les Algériens sont sortis par millions pour fêter l'exploit de notre sélection nationale, ce n'est pas juste à cause de l'effet magique du ballon rond mais c'est surtout par fierté nationale, donc la vraie logique de cette folle ferveur c'est l'amour de la patrie. C'est-à-dire les Algériens veulent que leur pays aille mieux.

Mais est-ce qu'on a fait ce qu'il faut pour que notre nation gagne ses nombreuses batailles? Peut-on transformer cette euphorie en une synergie et dynamique qui peut donner un nouvel élan à notre jeune nation ?

Je ne suis pas un farouche adepte de la critique pour la critique, la critique facile et gratuite, car je suis persuadé que trop de critiques tue la critique, la vraie critique en l'occurrence.

Or le fiasco du stade « 5 Juillet » dans notre capitale ne me laisse pas beaucoup le choix. Est-il raisonnable que le plus grand stade du pays avec toute la symbolique qu'il porte en son sein mérite cette gestion épouvantable ? Depuis de longues années on parle de rénovation et, après le gaspillage de centaines de milliards de dinars, l'Algérie est toujours sans grand stade !! Certes, il y a plusieurs projets de stades de norme internationale en construction mais, apparemment et selon la presse nationale, les dates de réception ne seront jamais respectées vu les retards enregistrés dans l'avancement de leur réalisation.

Supposant que notre équipe nationale soit allée plus loin dans la compétition et les caméras du monde entier par conséquent se braquent sur ce mystérieux pays pour beaucoup de peuples sur cette planète. Quel stade on aurait montré ? Le pays des 270 milliards de dollars, des 40 millions d'habitants dont plus de 30 millions sont jeunes, le pays dont on parle à juste titre de grandes performances économiques que certains économistes vont jusqu'à le comparé avec les 30 glorieuses de la France et je fais partie des gens qui vantaient ces performances, le pays où le foot est devenu le premier vecteur de la cohésion sociale et l'unité nationale. Ce même pays n'arrive même pas à construire un grand stade de football ! À l'heure même où nos voisins (Tunisie et Maroc) avec beaucoup moins de ressources financières ont plusieurs stades de très bonne qualité. C'est une situation d'une absurdité inouïe !

Bon nombre d'analystes se trompent complètement en évoquant l'exploitation politique par le gouvernement de la réussite des Verts au Mondial. Au contraire, je pense que notre gouvernement manque terriblement d'imagination pour justement exploiter cette situation qui ne se produit pas tous les jours. Dès lors, l'exploitation politique d'une telle situation est très préconisée. Cependant, à part les accueils protocolaires qui sont tout à fait logiques et normaux, nos autorités publiques n'ont annoncé aucune initiative, ne serait-ce que symbolique, pour redonner le moral aux populations et accentuer ainsi cette ferveur patriotique afin de créer une synergie qui ne peut être que très positive au pays.

J'ai été écoeuré en lisant la triste nouvelle au Quotidien d'Oran du dimanche 6 Juillet qui concerne le Docteur Abene Abderahmane qui a inventé une Valise solaire et que : « Il a tellement insisté pour que son pays, l'Algérie, s'octroie l'exclusivité de son invention : la ?Valise solaire'. Il multipliait les contacts avec divers niveaux concernés : ministères, responsables de centres de recherche scientifique, responsables politiques, etc. Après plus de 5 ans, Abderrahmane Abene a fin, dans les bras d'une grosse société allemande ».

Qu'est-ce qu'on perd si on crée un service ou un bureau dans un ministère avec quelques tables et quelques micro-ordinateurs en mobilisant une équipe de jeunes cadres dans plusieurs disciplines pour piloter et accompagner les meilleures initiatives dans tous les domaines. Leur objectif sera donc la recherche de talents, d'inventeurs, de chercheurs?etc., pour faciliter, aider et accompagner, pour nouer des liens entre ces jeunes et les entreprises économiques publiques ou privées dans une démarche multidisciplinaire. Bref pour dire à tous ces jeunes que votre Etat est à vos côtés et votre Etat - Nation a la volonté politique d'aller le plus loin possible et pas seulement en Coupe du Monde !

Néanmoins, le gouvernement n'est pas le seul à être invité à participer dans cette allure de synergie, mais tous les acteurs de la vie sociale ont ce devoir : presse écrite, télévisions publiques et privées, radios, mosquées, associations, universitaires?etc.

 Or, l'euphorie de l'exploit au Mondial ne doit pas nous aveugler sur notre réalité, au contraire, c'est, justement, le bon moment pour qu'on se dise nos vérités tranquillement et sans aucune hypocrisie. Il faut qu'on se dise que nous ne travaillons pas assez, notre rendement est trop bas et dans tous les domaines. Il faut dire avec la plus grande franchise et sincérité que nous les Algériens « on aime beaucoup se reposer ». C'est une vérité absolue. Ce n'est pas pour se culpabiliser ou s'autoflageller dans une logique de défaitisme et de fatalisme tétanisant. Non, ce n'est pas l'objectif. L'objet de cette démarche consiste à dire qu'effectivement on doit comprendre avec une certitude très profonde que cette dimension est essentielle dans les conditions qui constituent l'équation de notre sous-développement. Dire aux Algériens que leur salut est situé dans l'effort que chacun doit fournir pour bien accomplir sa mission dans son domaine de compétence, c'est ne pas leur mentir. Restons dans le domaine footballistique, beaucoup de spécialistes et entraineurs reconnaissent la qualité technique du joueur algérien. Néanmoins, ce qui lui manque c'est la discipline tactique et la condition physique. Ces deux derniers éléments viennent uniquement par le travail et le travail seulement. Un joueur professionnel ou même amateur d'ailleurs, ne doit pas se contenter de courir et de jouer avec le ballon. Il a plusieurs tâches à accomplir s'il veut se distinguer, car il doit travailler sa psychologie, fournir beaucoup d'efforts pour améliorer sa condition physique, y compris sur sa nourriture et son sommeil. Tout cela ne vient pas du hasard, c'est du vrai travail, une vraie éducation. L'entraîneur de la sélection allemande dans sa conférence de presse avant la rencontre avec notre équipe nationale a fait part de sa crainte des amis de Feghouli ! Mais pour quelle raison ? « Parce qu'ils ont eu une très bonne EDUCATION dans leurs clubs professionnels » selon ses dires.

Ainsi donc, le maître mot dans ce contexte très favorable à une synergie nationale, c'est travail, travail et travail, car par le travail seulement qu'on peut être discipliné et rigoureux, qu'on regagne la confiance en soi, qu'on peut être ambitieux et faire accroître son imagination.

Toutefois, pour pouvoir comprendre notre difficulté avec la valeur travail qui semble très banale, il faut d'abord changer d'une manière radicale notre perception du facteur « temps » pour le rendre beaucoup plus intelligible. « Tuer le temps » une expression très répandue dans notre conscience collective et qui en dit long sur notre façon de voir cette valeur. Ce qui explique bien évidemment les retards dans pratiquement tous les projets dans notre pays. Au moment où d'autres nations cherchent à « gagner le temps », en faisant des recherches pour inventer les machines les plus rapides possible puisque le temps est trop cher, nous on cherche à tuer le temps ! Sinon, dans les meilleurs des cas on ne se donne pas le temps nécessaire et suffisant pour accomplir telle ou telle mission ou ambition. On veut réaliser ainsi nos objectifs trop vite, par conséquent on va droit vers l'échec. Un certain François Rabelais écrivait : « Le temps mûrit toutes choses ; par le temps toutes choses viennent en évidence ; le temps est père de la vérité.»