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Nassim Guerza, ou l'élan brisé d'un galérien en TIC

par Abderrahim Halim

Nom : Mohamed Nassim Guerza. Il est le «fruit» de la formation professionnelle. Il a créé, dans le cadre du dispositif ANSEJ, une société spécialisée dans les réseaux informatiques.

Il était plein d'espoir, convaincu que le décollage de sa micro-entreprise pourrait se faire grâce aux promesses d'accès aux marchés publics. Trois ans plus tard, Nassim déchante. Il est à deux doigts de mettre la clé sous le paillasson. Rencontré au dernier Salon de la formation professionnelle, il raconte l'élan brisé d'un galérien en TIC.

«Fruit de la formation professionnelle»

"L'Algérienne des réseaux informatique" est une micro-entreprise créée en 2010 par un jeune informaticien, issu de l'Institut de la formation professionnelle de Batna, dans le cadre d'un dispositif d'aide de l'Etat. «Nous sommes bel est bien le fruit de la formation professionnelle et du dispositif de l'Agence nationale de soutien de d'emploi des jeunes (ANSEJ)», affirme Mohamed Nassim Guerza, rencontré la semaine dernière en marge du 1er salon national des diplômés de la formation et de l'enseignement professionnelle organisé à Riad El-Fath. Son projet de micro-entreprise a été validé dans le cadre de l'ancien système ANSEJ. Il obtient un financement pour l'achat d'un véhicule, du matériel informatique et autres outils de travail. Guerza n'hésites pas à recruter trois de ses amis qui étaient en formation avec lui. «Je pensais vraiment qu'on allait pourvoir travailler sans relâche, vu que toutes les administrations publiques se mettent à l'informatique et aux réseaux», dit-il. Ses coéquipiers sont recrutés dans le cadre du dispositif de l'Agence nationale de l'emploi (ANEM) qui se charge des cotisations sociales en plus d'un salaire mensuel de 10.000 DA, alors que l'employeur leur donne «l'équivalent de 1000 DA par jour, quand il y a des projets», explique-t-il. L'entreprise propose diverses prestations de services, allant de l'assistance et la maintenance informatique, au conseil pour une gestion efficace d'un système informatique, ainsi que l'installation de réseaux locaux, et des cameras de surveillance. Trois ans plus tard, c'est le désenchantement, il estime que lui et ses collègues ont été abandonnés. «Face à la réalité du terrain, nous n'allons pas tarder à fermer boutique», affirme Mohamed Nassim Guerza. La matière grise existe, le matériel est disponible mais, a défaut de marchés publics, l'entreprise «survit à peine», avec seulement «deux petits contrats décrochés auprès deux concessionnaires automobiles, Renault Hyundai», dit-il. «Nous n'avons obtenu aucun marché public, et pourtant la loi accorde 20 % des marchés publics aux entreprises créées dans le cadre de l'ANSEJ», explique Mohammed Nassim Guerza.

La galère

Son collègue et employé, Walid, précise que «les micro-entreprises en informatique n'ont pas un statut qui leur permette de soumissionner dans des marchés publics». «Nous sommes obligés de faire la sous-traitance avec des promoteurs qui encaissent d'importantes sommes et nous proposent des miettes», explique Walid. Selon M. Guerza, les marchés publics sont confectionnés en blocs. «Ils mettent ensemble tout ce qui est électricité, climatisation, et réseaux informatiques. Et comme nous ne pouvons postuler pour les deux premiers métiers, alors ils accordent ces projets à des promoteurs qui font appel à nous en tant que sous-traitants». Son souhait serait qu'à l'avenir les appels d'offres soient dégroupés pour permettre à des entreprises spécialisées d'avoir leurs parts de marchés publics.

L'entreprise a quand même été sollicitée pour effectuer une étude pour l'installation d'un réseau informatique pour le compte d'une administration publique à Biskra. «Nous leur avons établi un devis de 3 millions DA pour l'étude et la mise en œuvre du réseau informatique. Notre offre a été rejetée au profit d'une autre entreprise dont le code d'activité est la fourniture d'équipements informatiques et bureautique pour un montant d'environ 6 millions DA», lance-t-il dans avec un soupir de dépit. Autre expérience malheureuse, "L'Algérienne des réseaux informatique" a été sollicitée pour établir «l'interconnexion entre 3 sites distants» d'une administration du secteur de la formation professionnelle. «Jusqu'à ce jour, nous n'avons pas été payés». Mais même quand la société arrive à décrocher des marchés dans le cadre de la sous-traitance, elle n'arrive pas à assurer le paiement ni obtenir les contrats du marché. «En plus des miettes que nous donne (quand ils nous payent), les entrepreneurs qui raflent les marchés publics y compris pour des qualifications qu'ils ne possèdent pas, nous font travailler au noir. On effectue les travaux sans aucun document, et donc sans aucune assurance d'êtres payés», dit-il encore.

L'exemple de? l'échec

Lors du Salon des diplômés de la formation professionnelle, le gérant de "L'Algérienne des réseaux informatique" affirme avoir remis au ministre du secteur une requête pour l'aider à obtenir l'agrément pour l'installation des caméras de surveillance qu'il attend depuis la création de l'entreprise. Il veut élargir ses activités pour espérer obtenir des marchés. Mohamed Nassim Guerza n'arrive pas à assumer toutes les charges de l'entreprise, y compris le remboursement du crédit bancaire selon l'échéancier prévu lors de la création de la société. «Dans cette situation, je n'ai pas pu honorer deux échéanciers de 230.000 DA/6 mois à la BDL à qui j'ai demandé de convertir mon dossier au nouveau système ANSEJ instauré depuis 2011. Ce nouveau système permet à la micro-entreprise créée dans le cadre du dispositif ANSEJ de bénéficier d'un différé de 3 ans et d'un échéancier de 5 ans, alors que dans mon cas, le différé est d'une année et l'échéancier est de 4 ans». raconte M. Guerza, particulièrement amer après le refus de la banque. Guerza attend la visite, la semaine prochaine, de l'huissier de justice pour lui confirmer la saisie des biens. Déçus, Nassim et ses collègues n'arrivent pas à comprendre. «Ils nous ont formé. Ils nous ont aidé à monter notre propre affaire, ensuite ils nous abandonnent à mi-chemin», affirme Walid. «Le comble, c'est qu'ils nous ont invité à participer à ce Salon d'Alger pour montrer aux jeunes qu'on a réussi et les pousser à suivre notre exemple». Au bout du rouleau, Nassim garde l'ironie intacte.