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Bouteflika, à partir de Sétif : «Notre génération a fait son temps»

par Notre Envoyé Spécial A Sétif : El Yazid Dib

Sétif, la ville était tout ouïe à la visite, hier, du président de la République qui tient, cette fois-ci, à fouler son sol pour la onzième fois, tient-on à le rappeler.

Un accueil coutumier de convivialité et de haute hospitalité identiques aux visites précédentes, fut offert par une population composite et hardie à être là sur le trajet retenu devant être emprunté par Bouteflika. Un dispositif sécuritaire, maintenant devenu toujours impressionnant, était en charge d'assurer le bon déroulement de cette «commémoration». La progression pédestre présidentielle a débuté dès le siège de la wilaya, en plein centre-ville, pour se voir se profiler à quelques dizaines de mètres de la place-témoin où le dernier souffle du premier martyr eut lieu. Saad Bouzid a eu une pieuse pensée et une méditation de la part du président et des nombreux citoyens jalonnant les deux côtés de l'artère principale. Des youyous fusent de partout. ?Ain Fouara', fontaine mythique et légendaire a eu, en outre, sa part de halte. Le président s'y est comme à son accoutumée désaltéré. Des vieilles femmes en «mlaya», vraies «amriates» clouées sur les accotements et n'ayant pu se frayer un champ de vision s'échinaient à quémander aux jeunes une place pour «le voir». C'est un président fort convaincu de l'issue décisive à donner à ces joutes revêtant une singularité toute inédite. Les élections législatives de demain sont «une station décisive dans le parachèvement des réformes», a tenu à dire le président de la République, dans un discours prononcé hier a Sétif. C'est dans une salle décorée sobrement au Complexe omnisports de la ville pleine à craquer, que Bouteflika s'est pris longuement à aborder l'importance de ces législatives. En son début, la parole présidentielle était toute dédiée au «courage incessant» des pionniers de toutes les révoltes populaires qui ont émaillé le parcours rédempteur, pour se faire acclamer quand il qualifia Sétif de « symbole et forteresse du combat, des arts et des sports».

Le 08 mai 45, dans sa dimension de date-phare dans la galvanisation du sentiment national, a été abordé par un rappel à tous les sacrifices consentis par ceux et celles qui ont eu à mourir pour un idéal d'indépendance. Une minute de silence a été observée par l'assistance, demandée par le président, en milieu de son propos, à la mémoire des Martyrs du 08-Mai 45 et de Novembre 54. Fustigeant les méfaits du colonialisme français lequel «s'exerçait avec barbarie et humiliation», dira Bouteflika, «les relations avec la France doivent être édifiées dans une culture de respect mutuel». Les atouts économiques de la ville et ses capacités à se développer davantage n'ont pas manqué d'être invoqués dans l'allocution présidentielle.

Un appel des plus émouvants a été lancé par le président, invitant la population, au nom et «à la mémoire des chouhadas du 08 mai, de la glorieuse Révolution de Novembre», d'aller massivement accomplir le devoir du vote. Ceci s'apparentait à une convocation urgente de l'histoire devant prêter assistance à un présent mal en point. L'actualité qui évolue dans un agencement politique controversé, ne semble pas s'inscrire dans une tendance attractive citoyenne, les menant vers l'urne demain. Pourtant dira le président «la diversité des courants politiques, les garanties juridiques et judiciaires, la neutralité doivent faire de cette situation exceptionnelle», des élections propres et honnêtes. Ainsi, des témoignages recueillis par-ci, par-là, sont tous unanimes pour dire que «si la participation allait avoir un faible taux, ce serait exclusivement la faute aux formations politiques, pour le choix catastrophique et l'imposition de candidats, l'Etat ayant assuré toutes les conditions politiques de réussite » tel que lancé par un jeune étudiant actif dans le mouvement associatif, rencontré en coulisses dans la salle omnisports.

La sortie la plus attendue car spontanée, était celle où le président semblant finir une lecture, rentrait dans l'improvisation, sa prouesse avérée pour assener ce qui semble être des aveux. «Notre génération a fait son temps» «jilna tab edjnanou». Ceci était dit devant un parterre aux premières loges, composé notamment des ministres venus la veille, mais aussi de Belaid Abdesselam, ancien Premier ministre, Cherif Abbès ministre des Moudjahidines, Abadou de l'Organisation nationale des moudjahidines et bien d'autres figures locales du mouvement de Libération. A une voix qui s'est élevée du fond de la salle pour un 4ème mandat, Bouteflika a immédiatement réagi en disant clairement «vivra celui qui connaît ses limites» (aach men arafa kadrou) non sans l'avoir fait précéder d'un verset coranique dans le sens de «Dieu ne contraindra nulle âme que dans ses possibilités». Beaucoup de visages laissaient apparaître un certain chagrin. La mansuétude et l'émotion remplissaient l'espace. Des pleurs aussi. Nous aurions vécu un quasi-discours d'adieu. L'essentiel du discours de Sétif, était cependant le constat d'une fin de génération, les défis qui attendent la jeunesse et les enjeux «d'une géographie mondiale très mouvementée».