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Hamza, le hussard de la mobylette bleue

par Sid Lakhdar Boumediène

Cette vieille guerrière pétaradait et tout le quartier l'entendait s'approcher. « Tiens, c'est Hamza qui revient du boulot ».

C'est qu'elle avait autant de kilomètres dans les pattes que l'âge réuni de tous les gars de l'usine.

Le week-end, au pas de sa porte, il la démontait, il la bichonnait et il disait toujours de sa mobylette : « Ça, c'est de la mécanique ! Elle sera encore là lorsque je ne serai plus ».

Il était fier, Hamza, de sa mobylette bleue, car c'est comme cela qu'on l'appelait, cette mobylette au vrai nom de moto bécane.

On aurait dit un hussard de Napoléon montant son cheval et se tenant droit, raide comme dame dignité dans l'adversité.

Le seul moment où il arrivait à Hamza de pester contre ce mulet mécanique, c'était dans la côte du début de la rue. Car l'engin n'était tout de même pas la BMW des gendarmes de la route, de l'époque.

Les jours de grand vent, les énormes moustaches du début du siècle de Hamza faisaient office de clignotants. Nous en rigolions tendrement, car se moquer de Hamza ne pouvait être qu'avec une sincère tendresse. Hamza de mon quartier, l'ouvrier qui était fier de ne pas prendre le bus 14, avec ce « peuple », devait-il penser avec son allure hautaine de hussard, qui n'avait décidément pas son chic sur sa majestueuse mobylette.

Je crois que le Hamza du quartier a quitté cette terre depuis un moment. Je le vois bien dans les routes du Paradis pétarader et accélérer avec sa mobylette bleue pour prouver qu'il a encore une fière allure.

Elle est belle ta mobylette, Hamza, toutes les autres mobylettes ou motos qui ont suivi sont d'une vulgarité inqualifiable.