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Le «chambite» d'antan

par Sid Lakhdar Boumediene

C'était, lui aussi, un humble de nos villages mais il revendiquait une place d'honneur que lui avait confié la mairie. Il était fier comme un paon et arborait un couvre-chef qui vous indiquait ostentatoirement qu'il était investi de l'autorité communale.

C'est qu'il lissait bien sa moustache et raclait sa gorge avant de s'adresser à la foule réunie sur la place du village, lui, le représentant de la loi et de l'ordre dans la commune.

Le «chambite», c'est à dire le garde champêtre, c'est un nom qui a bercé notre enfance en Algérie. C'était un fonctionnaire communal chargé de la sécurité. En quelque sorte l'équivalent de la police communale actuelle. Le «chambite» fait partie de l'imaginaire collectif lorsqu'on parlait des zones rurales car c'était son implantation. Il était souvent le cantonnier de la commune. L'homme était le représentant de la loi communale mais aussi son porte-parole et son agence de communication. Lorsque le tambour résonnait au milieu du village c'est la télévision, la dépêche communale et le journal officiel qui étaient là. « Ohé, Ohé ! Avis à la population » disait-il une fois le roulement du tambour terminé et les baguettes rangées dans leur étui. Comme pour bien donner de l'intonation et de l'importance à son annonce, il insistait sur la lettre finale, normalement muette, en la rendant sonore et cela donnait «Avissse à la population !».

Il lisait son message qui débutait toujours ainsi «Après délibération du conseil communal et à partir d'aujourd'hui... ». Après une lecture solennelle, il rangeait ensuite son papier et roulait une dernière fois les baguettes de son tambour pour signifier d'un ton sentencieux «Que ce qui a été décidé par l'autorité communale soit exécuté ! ».

Je me souviens, avant 1962, avoir été fasciné par ce personnage sur une place d'un endroit dont je n'arrive pas, près de soixante ans après, à me souvenir si c'était Saïda ou Henaya, près de Tlemcen. Vu sa présence plutôt dans les villages, en territoire rural, il y a plus de chance que cela soit Henaya. De nos jours, les communes ont une présence Internet et de nombreuses pages sur les réseaux sociaux.

Il n'est plus, notre brave «chambite».