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Les pétards et le dôme de fer

par El Yazid Dib

Personne n'est dans le secret des dieux. Rares sont ceux qui ont un œil de bœuf panoramique sur l'avenir incertain qui se profile au Moyen-Orient. Mêmes ceux qui détiennent les manœuvres dans ce conflit, pourtant à l'apparence classique et séculaire n'ont cette précision de trajectoire tant l'imprévu, l'inédit, la volte-face, le retournement de situation, le repositionnement, la néo-normalisation font office d'éléments incursifs nouveaux. Tout marche à l'heure factuelle et tout fonctionne à la moindre occasion. Il est vrai que dans ce type d'événements, rien en théorie n'est laissé au hasard. L'on trace des stratégies, des plans, des opérations aux noms hybrides et parfois il suffit qu'un facteur anodin disqualifie tous les autres ou qu'une fatalité survienne à l'hébétude de tous. Israël ne comptait-il pas désintégrer Hamas dans la semaine qui suivit l'invasion terrestre de Ghaza ? N'avait-il pas prévu de finir avec les dirigeants de la résistance localisée disait-il à Khan Younes ? N'envisageait-il pas de boucler son sale boulot par l'envahissement total de Rafah, voilà 2 mois déjà ?

Quant à la confrontation avec l'Iran, elle était en l'air depuis belle lurette. Il ne manquait pour le passage à l'acte que l'exploitation de la meilleure opportunité et sa bonne légitimation.

Cependant, si dans toute stratégie, il y a indubitablement cet art de savoir coordonner les actions dans l'interaction politique et militaire, il y a aussi en marge, la prise en compte de l'étude de l'évolution des relations interétatiques. Israël et son protecteur les États-Unis savent qu'en cas de guerre ouverte avec l'Iran, un axe de contrepoids pourrait se former autour de l'Iran par de grosses pointures fortement craintes, telles la Chine, la Russie et la Corée du Nord et sait-on jamais d'autres pays. La Syrie... En plus de ses relais, le Hizbollah, les factions armées palestiniennes, les Houthis, la résistance islamique en Irak. C'est ce qui semble à l'évidence dissuader Biden de s'y engager ouvertement en incitant l'Etat hébreu à s'abstenir de répondre à la riposte iranienne. Par contre, celui-ci, sous la houlette délirante d'un Neten-yahu aimerait bien que la région s'embrase, espérant ainsi finir à jamais avec tous ses virulents ennemis et créer un nouvel équilibre entièrement à son profit.

D'une façon pragmatique, il ne faut pas être dupe ni s'évanouir dans ses croyances néophytes pour penser que tout est aléatoire, indécis ou non réfléchi. Les instituts, les laboratoires, les cellules de réflexion, les centres d'études globales n'ont cessé d'être à l'œuvre afin non seulement de prévenir la survenance de faits fâcheux et dynamiser l'influence à leur imposer mais tracer également les futurs contours du monde qui nous englobe dans ses multiples dimensions. Les États développés mènent énormément d'analyses des politiques de sécurité et de défense. Des programmes raffinés de haut niveau sont enseignés et décortiquent au détail les doctrines stratégiques les mieux adaptées à toutes les conjonctures. Plus de place à l'agissement au jour le jour. Derrière chaque politique il y a un cerveau, derrière chaque instrument de défense il y a des neurones. L'idée précède le fusil, la méthode, l'outil. Il n'y a aucune action militaire, politique, économique ou diplomatique sur le plan international qui ne soit le produit d'un examen soumis à des critères scientifiquement draconiens. Néanmoins malgré toutes les technologies, les prévisions, les indices d'alertes, les procédés d'écoute et de surveillance aucun système de défense en soi n'est infaillible. Le 7 octobre l'illustre bien. En plus, un pétard peut fléchir un dôme fût-il de fer.