Tout le
monde pense que l'Iran a offert l'occasion tant recherchée par Israël pour
coudre ses déchirures sociales, régénérer ses soutiens et regagner l'opinion
publique internationale. Il aurait de ce fait, pensent certains, décrédibiliser
tous les gains qu'avait engrangés l'affaire palestinienne depuis le déluge d'El
Aqsa. Alors que la contre-attaque était mûrement
mesurée, sobre et nécessairement appropriée. L'avenir le dira. Le branle-bas de
combat secoue, cependant, les capitales des puissances de ce monde en manque
d'équilibre, notamment celles du camp occidental. Des conseils de guerre aux
sommets de tous les G, le menu n'est que l'étude du meilleur mode de tuer des
gens, de la bonne formule à garder le guidon de l'univers. Croyez-vous que ces
conciliabules se tiennent pour résorber la faim dans le monde ou répandre les
valeurs de paix et de justice là où elles font défaut, où venir au secours des
peuples colonisés ou au moins faire cesser le feu à Ghaza,
qui, mortellement, brûle toujours ? Ils sont sensiblement alertes à la moindre
action pourtant légitime, d'une part, lorsqu'elle constitue à leurs yeux une
menace tant pour leurs intérêts que pour la suprématie de leur hégémonie. Ils
veulent tout régenter. Tous leur doivent servilité et obéissance. Les peuples
pauvres, les pays sous-développés, les États qui accusent d'immenses retards
technologiques qui ne couvrent pas leurs besoins alimentaires, qui ne
fabriquent pas leur propre arsenal militaire, qui ne peuvent assurer une totale
indépendance pharmaceutique et médicale sont voués, mains liées, bouche cousue,
aux desiderata des maîtres du monde. Il sera ainsi, tant que ces pays, ces
damnés de la terre, n'auront pas à s'affranchir de toute obédience et ne
valoriseront pas les potentialités dont regorgent leurs sociétés sur le plan
humain ou en ressources des règnes minéral, animal et végétal indispensable à
tout progrès. Ils ont tout. Des sources énergétiques à la force des muscles en
main-d'œuvre. Seulement, c'est ce savoir qui leur fait hélas défaut. Ou bien ce
refus ou cette indifférence à vouloir le mettre en œuvre et qui ne doit
qu'exister chez eux, chez leurs citoyens. Les plus grands innovateurs
contemporains proviennent justement des pauvres pays. Sinon pourquoi parle-t-on
de la fuite des cerveaux ? L'Iran, malgré l'embargo imposé par les États-Unis
depuis plus de 30 ans, ne s'est pas contenté d'agir par voie de résignation, il
a pris sa destinée avec l'acharnement de ses savants, de ses chercheurs. Il
n'importe rien. Tout est local. Du scanner à l'IRM, du Doliprane à l'insuline,
du tank au missile, du nucléaire au gaz rare. Rien ne leur manque. Il valide
ainsi l'équation magique que d'un espace, d'une ressource et d'un homme savant
on peut tout créer. Et le voilà maintenant qui tient tête, sinon cause un
casse-tête à la plus grande puissance mondiale et à son fils adultérin semé à
ses proximités. Avec cette attaque-réponse, l'Iran s'est essayé, à son honneur,
à opérer un rééquilibrage dans le rapport de force régional. Même en lançant
des pétards dans le ventre du dôme de fer. Il dit ne pas choisir la guerre mais
si elle s'impose, il n'est que finement prêt à la conduire. Il semble détenir
les moyens et les aboutissants à toute éventuelle offensive, affirmant que,
cette fois-ci, la réplique ne saurait être un coup de vent ou une frappe de
panique. A ce stade d'escalade, l'Iran ne joue pas. Ce ne sont pas les deux
mille kilomètres qui le séparent d'Israël qui vont le faire fléchir. La
technologie réduit les distances et raccourcit le temps.