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Le Ramadhan a «Bon dos» !

par Belkacem Ahcene Djaballah

Un avocat a été assassiné, de plusieurs coups de couteau, mardi 2 avril, dans la commune d'Aïn Abid, à 35 km de Constantine. Le drame s'est déroulé en fin de journée, juste avant la rupture du jeûne. Selon les premiers témoignages ; l'avocat se rendait à la maison de son père lorsqu'il a été pris à partie par un voisin, parent qui plus est, éleveur de bovins. Une dispute banale aurait éclaté entre les deux hommes, concernant la circulation du troupeau de l'agresseur. Sous l'effet de la colère, l'éleveur aurait asséné quatre coups de couteau à l'avocat, l'atteignant à l'artère fémorale. Malgré l'intervention rapide des secours, l'avocat n'a pas pu être sauvé et a succombé à ses blessures à l'hôpital d'Aïn Abid. Âgé d'une cinquantaine d'années, il laisse derrière lui une femme et six enfants.

L'assassinat de l'avocat n'est pas le premier homicide recensé en ce mois sacré. Il y a deux semaines, dans la commune de Aïn M'lila, une jeune femme, âgée de 24 ans et mère d'un nourrisson de 3 mois, a été sauvagement assassinée par son propre mari. Le 6 avril au Douar ‘Draa Halima', à proximité de la ville de Sétif ; une femme de 32 ans était assassinée, à l'intérieur de son domicile, par son époux. Poignardée puis brûlée. Au total, depuis janvier 2024, déjà 18 féminicides. Plus de 6 par mois ! Et, 228 ces trois dernières années.

Sur nos routes, on a relevé un nombre énormissime de morts en très peu de temps, en raison d'accidents de la circulation dus à la grande vitesse et l'irrespect du Code de la route. Uniquement durant les 28 premiers jours du mois de Ramadhan, selon la seule gendarmerie nationale, 206 morts et 742 blessés dans plus de 508 accidents de la route, sur le territoire de leur compétence. Ajoutez-y les chiffres de la Protection civile, puis ceux de la Police nationale. Des dégâts humains, matériels et financiers inestimables. Effarant ! Effrayant !

Ce ne sont pas les exemples dramatiques qui manquent. Mais, hélas, c'est là, un air qui se répète depuis déjà des décennies. Ni les sanctions prises par la police et la gendarmerie, ni les peines prononcées par la justice, ni les articles de presse et/ou les prêches mettant en garde contre la non-observation des règles élémentaires de la conduite civique et/ou automobile (ajoutez-y celle des motocycles et scooters, en attendant celle des trottinettes électriques) et ni même les campagnes de « Prévention routière » quasi-ininterrompues depuis déjà les années, 70 si je me souviens effectuées sur sites, à la télé, à la radio, dans la presse écrite, par affichage n'ont, pour l'instant réussi à stopper le mal. Même pas le juguler.

On a la nette impression que les Algériens, dans la gestion de leur vie quotidienne n'arrivent pas (ou plus) à déterminer la ligne rouge (ou jaune continue, c'est selon) qui sépare leur vie de leur mort et, surtout, celles des autres, leurs proches y compris. Les causes sont certainement multiples et, à mon avis, relèvent beaucoup plus de l'état mental que des états physiques ou matériels.

On laisse donc le soin à nos psy' et sociologues de l'étudier afin d'aider nos gestionnaires de la vie publique et faiseurs de règles, à combattre (et à soigner par des médications concrètes adaptées et non par les seuls discours et autres appels) les dangereuses dérives. Beaucoup de pain sur la planche, tant il est vrai que la Recherche scientifique nationale (en sciences humaines et sociales) en ce domaine, a pris du retard (trop de tabous et peu de doutes?) et que les statistiques ont pris le dessus, « montrant tout » mais « cachant l'essentiel ».

En attendant, le bouc-émissaire traditionnel (et facile à citer) est bien le Ramadhan, un mois sacré, respecté en tout ce qui est apparent sauf en maîtrise de soi, tout particulièrement en cas de heurts, le « petit rien » devenant un « tout », l'essentiel se confondant avec l'accessoire, l'absence du petit café du matin et de la cigarette se transformant en « manques » et la présence de ces « manques » se transformant en drames. Regrettés, mais bien après, lorsqu'il est trop tard.