Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Pour une démocratie participative

par Mustapha Aggoun

Nul d'autre ne peut nier l'existence de cette frange de citoyens qui se trouve dans une position à la fois déconcertante et cruciale vis-à-vis de la politique. Des citoyens qui ne se contentent pas d'être de simples observateurs passifs ; ils se définissent plutôt comme des observateurs désengagés, se tenant à l'écart des bouleversements politiques et sociaux qui secouent leur nation. Pour eux, l'acte même de participer aux élections ou de se joindre à un mouvement syndical ou même association semble n'être qu'une illusion de changement, une cérémonie vide de tout sens.

Cette attitude de réserve et de désintérêt découle de diverses raisons profondes. Tout d'abord, ces individus perçoivent les élections comme une opération sans réel impact, persuadés que les mécanismes du pouvoir demeureront inchangés, quel que soit le résultat proclamé. Ils considèrent les partis politiques comme une série interchangeable, incapables de provoquer le changement et créer une relance économique.

Ces citoyens sceptiques se méfient des syndicats, des associations, des organisations politiques et apolitiques les voyant comme de simples prolongements du pouvoir en place, de simples échos amplificateurs des discours des élites sans véritable défense des intérêts des travailleurs. Ils refusent, catégoriquement, de se joindre à ceux qui ne partagent pas leur vision, persuadés que l'action militante ne peut être efficace qu'avec des alliés partageant exactement leurs convictions.

Cette mentalité d'isolement politique les pousse à s'éloigner, davantage, du reste de la société et des courants politiques, ouvrant ainsi la voie à d'autres groupes d'intérêts capables d'influencer la trajectoire des événements. Ils en viennent même à perdre toute confiance en l'activisme partisan, non pas à cause de l'opposition politique, mais en raison du manque de probité de leurs propres alliés. Ce désengagement politique est profondément contre-productif. Attendre passivement que la société évolue selon leurs idéaux, tout en refusant de s'impliquer activement pour la transformer, constitue un paradoxe auquel beaucoup se résignent. Mais la réalité est que le changement ne survient pas par enchantement. Il requiert un engagement, un affrontement d'idées divergentes, une influence sur ceux qui ne partagent pas nos convictions.

Le militantisme dépasse la simple recherche de soutien pour une cause ou une idée particulière. Il incarne un engagement profond envers le dialogue et la confrontation d'opinions divergentes. Dans ce sens, il représente un véritable échange d'idées où la confrontation intellectuelle peut mener à des transformations significatives. Refuser de participer à ce processus, sous prétexte que les changements semblent impossibles, revient à abdiquer sa responsabilité en tant que citoyen engagé et à renoncer aux principes fondamentaux de la démocratie.

Il est indéniable que la politique peut, parfois, sembler idéaliste, voire décevante. Les dysfonctionnements de la société, les impasses politiques et les compromis nécessaires peuvent décourager même les plus fervents militants. C'est précisément dans ces moments de frustration que l'engagement politique devient le plus crucial. C'est lorsque les structures semblent figées, lorsque les défits sont nombreux, que la voix des citoyens engagés est la plus nécessaire. L'action politique ne se limite pas à des manifestations ou à des campagnes électorales, elle englobe également le travail au sein des institutions, le plaidoyer pour des réformes significatives et la sensibilisation.

Le dialogue avec ceux qui pensent différemment est une composante essentielle du militantisme efficace. À travers le débat et la discussion, les militants peuvent non seulement élargir leur propre compréhension des enjeux, mais aussi trouver des points de convergence avec des adversaires potentiels. Cela ne signifie pas, nécessairement, la compromission de ses propres convictions, mais plutôt la reconnaissance de la complexité des problèmes et la recherche de solutions inclusives. Le militantisme est, bien plus, qu'une simple expression de soutien à une cause donnée. C'est un processus dynamique qui implique le dialogue, la confrontation et l'action pour créer un changement significatif dans la société. En refusant de s'engager dans ce processus, nous renonçons à notre capacité de façonner notre propre avenir et à notre responsabilité envers les générations futures.

En définitive, l'immobilisme politique et le désengagement ne font que perpétuer le statu quo. Si nous aspirons réellement à voir notre société progresser, nous devons tous nous engager activement dans le débat politique, même si cela implique de nous opposer à nos adversaires et de remettre en question nos propres convictions. C'est là que réside l'essence véritable de la démocratie : le combat pour un avenir meilleur, érigé sur le dialogue et le compromis.