Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La mère... pilier de soi

par Kamal Guerroua

Je parle souvent avec ma mère, et il me semble que c'est naturel. Mais dans mon cas, c'est un peu spécial. Je me sens un éternel enfant qui apprend. Apprendre de sa mère, il n'y en a pas mieux, à vrai dire ! C'est la première école de la vie et prétendre s'en être rassasié, c'est, j'exagère peut-être un peu, un aveu de tricherie émotionnelle. Qui peut se passer de l'auteure de ses jours ? Personne ! Une mère, c'est le maillon de la chaîne qui nous relie au cycle de la vie et nous donne la force de résister à la routine, aux intempéries des jours tristes, au désespoir et au deuil de nos cœurs. Une mère, c'est notre deuxième naissance à l'existence. C'est le seul être qui puisse céder sans contrepartie sa part, sa destinée, sa vie même à son propre rejeton. Et personne d'autre ma foi. Un vieil ami de Bouzaréah m'avait conseillé, il y a quelques années, de ne jamais décevoir sa mère et quand je lui avais posé une question sur le sens du verbe «décevoir» utilisé dans sa phrase, il me répondit un peu à la bonne franquette, avec toute l'ironie croustillante qui caractérisait d'ordinaire ses propos : «assécher les gouttes d'amour qui remplissent les tripes de sa mère». Philosophique ! Trop même me diriez-vous ! Pour mon ami, pas du tout. Car cela fait partie, à l'en croire, de la métaphore existentielle de la maternité. Chaque mère, pensait-il, a un fleuve de sentiments qui irrigue en permanence ses tripes et ces tripes-là, au sens philosophique que mon interlocuteur leur donnait, ne sont autres que ses enfants, sa progéniture ! Toucher à un cheveu d'un enfant d'une mère est passible, d'après mon ami toujours, d'une grande amende non déductible : le châtiment. Une mère ne pardonne jamais quand on blesse son enfant. Et puis, peut-on imaginer un être humain sans tripes ? Sans cœur ? Sans poumons ? Impossible ! Et c'est là que le cordon ombilical qui reliait l'enfant à sa mère, à l'intérieur de son ventre devient cordon filial, une fois dehors, nourri par un flux ininterrompu de tendresse et d'amour. Et décevoir un amour filial, c'est presque un crime de lèse-maternité. Mon vieil ami me répétait, et cela m'avait vraiment touché, que le plus grand cadeau du ciel pour un homme, c'est la mère.

Et pauvres, vraiment pauvres, ajoutait-il en plissant des yeux à force de tirer une bouffée de sa clope, sont ceux d'entre les enfants-hommes (parce que, pour lui, quelque part, on est tous des enfants) qui n'ont pas eu cette chance, à cause de la malédiction du destin et de la force majeure de la Providence... Hymne d'espoir et de respect à toutes nos mères...