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Les «gros mots» des gens d'«en haut»

par Belkacem Ahcene Djaballah

Il n'y a pas, hélas, que les joueurs de foot qui, parfois dépassés par leurs propres errements sur le terrain, s'emportent et se comportent en «voyous», donnant le plus mauvais exemple à leurs jeunes fans, les plus vieux étant soit irrécupérables, soit rentrés dans les rangs des spectateurs pacifiques ou blasés. Il n'y a pas, hélas, que les stars de l'art et de la culture (en Europe, si l'on s'en tient à la seule actualité) qui, la tête dans les étoiles, dépassent les bornes en matière de comportement à l'endroit de la gent féminine, mineure ou majeure. Il n'y a pas, hélas, que les walis (chez nous) qui, face aux lacunes et dépassements constatés sur le terrain (venant tout particulièrement de «chouakers» et autres «barons» de la région) s'énervent, à juste titre, utilisant quelquefois des mots assez durs, parfois inhabituels. Il est vrai que les réseaux sociaux et les citoyens-»journalistes» (ou citoyens-»informateurs»), exploitant des situations électrisées, s'en donnent à cœur joie, donnant ainsi, parfois, à des situations banales une dimension dramatique. Le drame dans ce nouveau «social-comportement» des décideurs et des «stars» publics, c'est que cela a essaimé ces dernières années, au niveau le plus haut des centres de décision politique. Ce qui était inconcevable auparavant malgré toutes les crises et autres mésententes internationales. Ainsi, on n'a jamais vu ou entendu (en tout cas très, très rarement) Roosevelt ou Lénine, ou même Staline, ou de Gaulle ou Boumediene ou Mandela ou Carter ou Churchill ou Willy Brandt ou Mao, lors de leurs interventions, discours et autres publics, «déraper» sur le plan langagier. Parfois, à la limite, un langage «fleuri». Sans plus. En France, cela a commencé avec Hollande sur les «pauvres», les «sans dents», puis Sarkozy, chef de l'Etat français, qui, en public, a traité un citoyen protestataire de «pauvre con». On a eu, aussi, Bush et son «Empire du mal», tout en continuant ses boucheries. Dur, bas et surtout méprisant ! Voilà donc que depuis peu, on assiste à bien des dérapages langagiers (s'il n'y avait que ça !). Zelensky, Netanyahu, les militaires sionistes et leurs soutiens qui accusent sans s'arrêter tous les autres de «terroristes» et de «fous», oubliant leurs crimes, et, tout dernièrement, Biden qui a traité Poutine -lors d'une rencontre avec des donateurs- de «salopard cinglé», une traduction assez soft de «son of a bitch». Le chef de l'Etat russe a aussitôt répondu mais de manière plus élégante, respectant l'auditoire féminin présent. Mais pourquoi donc ces changements langagiers, ces rodomontades inutiles, rarement écrits ? Une manière de se distinguer, tout en croyant s'en approcher du «parler vrai», auprès des masses populaires ? Une agressivité trop longtemps contenue ? Manque d'inspiration ? La remontée de traumatismes d'enfance et de jeunesse ? Un discours politique non maîtrisé ? Le signe d'un désarroi et/ou d'une angoisse ? Une «hubris» démesurée ? Vide intérieur, intellectuel et fébrilité de la personnalité de l'intéressé? Ou, tout simplement, une prise de conscience d'une impuissance certaine à résoudre ou à faire face (à) un problème? De tout un peu, un peu de tout. Des dérapages qui font le lit de bien de commentaires des politistes. Car, tout en notant que l'insulte entre chefs d'État, faisant partie d'une rhétorique manichéenne et belliqueuse, ne fait jamais avancer le « schmilblick », ce n'est certainement pas le bon exemple à citer aux enfants et aux jeunes, futurs citoyens du monde et, surtout, aux étudiants en sciences politiques et relations internationales devant apprendre à respecter, plus tard, -tout en les combattant durement- tant leurs adversaires que leurs soutiens. Du moins en public !



Ps: Tout dernièrement, notre respectable Apn a adopté des amendements au Code pénal punissant sévèrement les auteurs d'insultes et d'obscénités en public. Une bonne chose (encore qu'il est toujours difficile de pallier les échecs éducationnels par la répression judiciaire) qui doit, cependant, être soutenue par l'édition d'un recueil desdites insultes publiques ô combien condamnables, et ce, afin de ne pas laisser nos respectés juges se perdre dans un vocabulaire que l'on sait très riche et plus que fleuri, mais souvent changeant de portée et de signification d'une région à une autre : «Vérité en deçà, erreur au-delà», dit-on. Tout en n'oubliant pas que les dérives langagières se retrouvent à tous les niveaux de la société, même chez celui que l'on croit le plus «éduqué».