Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Remodelage géostratégique

par Abdelkrim Zerzouri

C'est fait, la Suède est devenue, le jeudi 7 mars, 32e membre à part entière de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), à l'issue d'une cérémonie conclue par la remise des documents officiels. Si pour la Finlande, l'adhésion à l'OTAN a été scellée le 4 avril 2023, sans trop de problèmes, la Suède a dû faire face aux objections de deux pays membres, en l'occurrence la Turquie et la Hongrie, qui ont pour le premier pays accusé la Suède de donner refuge à des militants kurdes, considérés par Ankara comme terroristes, alors que la Hongrie exigeait le «respect» de sa politique par la Suède, objet de critiques de la part de ce dernier pays.

De longs pourparlers ont été engagés avec les deux pays en question, pour connaître des issues favorables en passant par des votes des Parlements turque et hongrois, qui ont finalement ratifié l'adhésion de la Suède à l'OTAN. C'est une issue prévisible tant que la Suède bénéficiait du soutien de tous les autres Etats membres de l'OTAN (où les décisions doivent se prendre à l'unanimité), à leur tête les Etats-Unis, qui ont exercé leur pression sur la Turquie et la Hongrie afin de les faire revenir à de meilleurs sentiments. Maintenant, il s'agit de sonder les conséquences géostratégiques de ces deux nouvelles adhésions dans cette région nordique où les frontières sont partagées avec la Russie.

La Russie, tous les observateurs fixent sa réaction et les développements qui vont suivre sur le plan sécuritaire. A la suite des dépôts officiels des lettres officielles de demande d'adhésion à l'OTAN par le Finlande et la Suède, le 18 mai 2022, des remous ont commencé à apparaître dans cette région nordique, enregistrant les premières réactions de la Russie face à une telle adhésion de ces deux voisins nordiques à l'OTAN, qu'elle sait pertinemment inéluctable.

Il y a deux ans, le président russe Poutine avait clairement laissé entendre que l'adhésion de ces deux pays à l'OTAN n'inquiétait pas la Russie, jugeant que cela ne constitue aucune menace pour son pays, mais que cela exige une réponse militaro-stratégique. Un «élargissement de l'OTAN ne constitue pas une menace immédiate, mais le déploiement d'infrastructures militaires sur les territoires de ces deux pays entraînera bien sûr une réponse», avait-il clairement souligné dès le dépôt des demandes de leur adhésion à l'OTAN.

La réponse, bien sûr, concerne un nouveau déploiement des armes russes vers cette région frontalière, devenue un espace de l'OTAN. Sinon, la Russie a relevé qu'elle n'a pas de « dispute territoriale » avec les deux pays en question, comme c'est le cas avec l'Ukraine, où elle veut soustraire ces territoires disputés à un éventuel élargissement de l'OTAN au sud de ses frontières dans le sillage d'une adhésion de l'Ukraine à ses rangs. Notons également que si ces pays, proches militairement et politiquement des Etats-Unis, n'ont pas ménagé leurs efforts pour rejoindre l'OTAN depuis l'éclatement du conflit en Ukraine, d'autres pays proches militairement et politiquement de la Russie, regroupés au sein de l'Organisation du traité de sécurité collective regroupant des pays de l'ex-URSS (Russie, Biélorussie, Arménie, Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan), commencent à ressentir le besoin de se constituer en bloc solide face à cet élargissement de l'OTAN. Un remodelage géostratégique imparable.