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Le drame des illusions

par Kamal Guerroua

Comme c'est dur de vivre dans l'illusion permanente ! L'illusion d'être autre que soi-même. De tricher avec sa propre personne et de croire mentir aux autres alors que l'on ne se ment, en vérité, qu'à soi-même ! La croyance têtue en l'illusion est la parfaite illustration de l'échec à se construire face à notre miroir intérieur. Le miroir intérieur, c'est le filtre de la conscience, ou si l'on ose le mot ici, la jauge morale de nos actions. Si le miroir intérieur est brouillé, le cœur perd de sa lumière et il raisonne à la manière d'un homme qui cherche en tâtonnant une issue dans une caverne sombre. Avancer dans le noir d'une caverne, c'est comme vivre dans l'illusion, en s'accrochant à l'espérance d'une sortie à l'air libre pour le moins aléatoire, incertaine, périlleuse ! L'illusion est pire qu'une supercherie parce qu'elle endort, au lieu d'éveiller, parce qu'elle fabrique de l'espoir, souvent frelaté, au lieu de le nourrir, parce qu'elle coupe de la réalité, en «floutant» la vision logique des choses, au lieu de relier l'être à la chose dont il rêve. L'illusion retarde de surcroît la concrétisation des rêves que l'on veut réaliser. C'est comme si l'on construit des châteaux de sable la nuit, lesquels tombent en ruine, une fois réveillés au monde ! Face à «l'homme de l'illusion», on trouve «l'homme du rêve». Ce dernier n'a pour adresse que l'espoir dans l'action. Un homme de rêves, c'est un homme qui lie ses espoirs à ses œuvres, à ses actions de tous les jours, à sa détermination, son audace à affronter les écueils du quotidien. Si l'illusion est perfide, le rêve est sauveur. Le rêve, c'est la porte du salut, non seulement au niveau individuel, mais aussi et surtout à l'échelle collective. Une société qui rêve, c'est une société dynamique et souple. Une société qui sort des sentiers battus pour innover, créer, vivre en harmonie avec ses aspirations les plus idéalistes, même si le prix à payer s'en trouve parfois fort exorbitant. Une société qui peut avancer sans tomber dans le piège de la violence et ses effets néfastes. Une société qui croit aux idées, aux arts, au dialogue, comme moyens d'expression de ses joies comme de ses douleurs. Et c'est là que l'illusion cesse d'être maîtresse de son destin...