Comme c'est
dur de vivre dans l'illusion permanente ! L'illusion d'être autre que soi-même.
De tricher avec sa propre personne et de croire mentir aux autres alors que
l'on ne se ment, en vérité, qu'à soi-même ! La croyance têtue en l'illusion est
la parfaite illustration de l'échec à se construire face à notre miroir
intérieur. Le miroir intérieur, c'est le filtre de la conscience, ou si l'on
ose le mot ici, la jauge morale de nos actions. Si le miroir intérieur est
brouillé, le cœur perd de sa lumière et il raisonne à la manière d'un homme qui
cherche en tâtonnant une issue dans une caverne sombre. Avancer dans le noir
d'une caverne, c'est comme vivre dans l'illusion, en s'accrochant à l'espérance
d'une sortie à l'air libre pour le moins aléatoire, incertaine, périlleuse !
L'illusion est pire qu'une supercherie parce qu'elle endort, au lieu
d'éveiller, parce qu'elle fabrique de l'espoir, souvent frelaté, au lieu de le
nourrir, parce qu'elle coupe de la réalité, en «floutant» la vision logique des
choses, au lieu de relier l'être à la chose dont il rêve. L'illusion retarde de
surcroît la concrétisation des rêves que l'on veut réaliser. C'est comme si
l'on construit des châteaux de sable la nuit, lesquels tombent
en ruine, une fois réveillés au monde ! Face à «l'homme de l'illusion», on
trouve «l'homme du rêve». Ce dernier n'a pour adresse que l'espoir dans
l'action. Un homme de rêves, c'est un homme qui lie ses espoirs à ses œuvres, à
ses actions de tous les jours, à sa détermination, son audace à affronter les
écueils du quotidien. Si l'illusion est perfide, le rêve est sauveur. Le rêve,
c'est la porte du salut, non seulement au niveau individuel, mais aussi et
surtout à l'échelle collective. Une société qui rêve, c'est une société
dynamique et souple. Une société qui sort des sentiers battus pour innover,
créer, vivre en harmonie avec ses aspirations les plus idéalistes, même si le
prix à payer s'en trouve parfois fort exorbitant. Une société qui peut avancer
sans tomber dans le piège de la violence et ses effets néfastes. Une société
qui croit aux idées, aux arts, au dialogue, comme moyens d'expression de ses
joies comme de ses douleurs. Et c'est là que l'illusion cesse d'être maîtresse
de son destin...