J'ai la
nette impression que l'«année du lapin» (fêtée assez loin, il est vrai au
Vietnam) ne nous réussit guère. On a eu, d'abord, et au départ, une information
bien mal fagotée, diffusée par une association de défense des consommateurs qui
a transformé du lapin en chat, ce qui a fortement perturbé les consommateurs
nationaux. Déjà assez traumatisés, par le passé, avec toutes les histoires de
carcasses d'ânes découvertes çà et là. On a eu, ensuite, une décision d'une
Administration, «interdisant» la commercialisation de tout ce qui reflétait des
contenus couleur «arc-en-ciel». On a eu, il y a peu après, une enseignante qui
a «coupé» les cheveux jugés trop longs de quatre de ses petits élèves, puis une
«instruction» venant, nous dit-on, d'une Direction régionale de l'Education
nationale demandant à toutes les écoles sous sa juridiction de fouiller les
cartables des élèves et de «razzier» tous les chocolats et autres produits
dérivés destinés certainement à fêter, je crois comprendre, la... Saint-Valentin.
Et, enfin, tout récemment, il a été demandé par une autre Administration
d'»interdire la diffusion de chansons considérées comme «obscènes» lors des
«manifestations culturelles officielles». Dans la directive émise à l'attention
de tous les responsables du secteur, on exhorte les organisateurs à bannir la
programmation et la diffusion de chansons dont les paroles sont «contraires aux
bonnes mœurs» et qui représentent un «outrage public à la pudeur». Ce ne sont
là que quelques faits relevant, à mon sens, plus d'une surenchère activiste que
d'activités raisonnées relevant de comportements psycho-politiciens totalement
décalés et en retard d'une ou de plusieurs (r-) évolutions. A noter que ce
n'est pas nouveau : par le passé, on avait vu une ministre ordonner le voilage
de sculptures de «nu(e)s» jugées impudiques et la statue de Aïn
Fouara (Sétif) a été violentée moult fois. Décalés,
disais-je, par rapport à la société algérienne réelle, celle qui avance. On ne
s'en aperçoit pas trop du haut de nos positions de pouvoir; une société, soit
pour les adultes et les plus âgés, bien trop occupée à régler ses multiples
problèmes quotidiens (travail, logement, approvisionnement, transport), soit
pour les plus jeunes, totalement plongée dans les Nouvelles technologies de la
communication et à la recherche, entre autres, d'emploi, d'évasion et de
loisirs. Il est sûr que bien des dérives, déviances et autres «mauvais» et
«vulgaires» comportements sociétaux existent rendant souvent la tâche difficile
et éreintante à nos services de sécurité, entre autres, dans l'application
aussi stricte que possible des textes et lois déjà existants.
Il est tout
aussi évident -en tout cas pour moi- que la lutte à ce niveau, même si elle
doit être améliorée, est pour l'instant assez suffisante. De ce fait, aller
jusqu'à suggérer d'autres contrôles sociétaux (pourquoi pas, à ce rythme, en
parallèle, une «police des mœurs» ?), sous couvert de «sécurité sociétale» (à
noter que lors d'une récente journée d'études organisée à l'APN, on a appelé à
la création d'une commission d'experts chargée d'élaborer un rapport annuel
périodique sur le thème en Algérie et à l'institution d'une «Journée nationale
de la sécurité sociétale». Attention aux glissements insidieux ! Cela ne peut
que profiter aux «règlements de compte» et nuire à l'équilibre et au
développement normal et sans contraintes de notre société qui a «d'autres chats
à fouetter». Ceci dit, rien n'empêche de demander -tout en lui fournissant les
moyens et en lui laissant la liberté de faire- à la recherche sociologique
universitaire de se pencher sur les problèmes. Tous les problèmes ! Avec leurs
effets mais aussi et surtout leurs causes. Et de proposer des solutions
acceptables par tous. L'action politique viendrait ensuite.