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L'accord céréalier en sursis ?

par Abdelkrim Zerzouri

La crise céréalière revient au-devant de la scène internationale quelques jours avant l'expiration de l'accord céréalier. Avant le 18 mars prochain, date d'expiration de l'accord en question, les parties concernées, russes et responsables onusiens, devraient reprendre langue à Genève pour sa prorogation. Pour le moment, aucune confirmation de l'entame de discussions entre les deux parties. Et Moscou fait planer l'incertitude quant à la reconduction de l'accord, faisant valoir son désaccord sur son exécution, notamment des interrogations sur la destination de la majeure partie des cargaisons céréalières. A ce propos, la Russie désapprouve le fait que les pays dans le besoin n'aient reçu que 3% du blé débloqué. Où sont donc passés 97 % du blé débloqué dans le cadre de cet accord conclu en juillet 2022 et prolongé quatre mois plus tard ? Entre l'ONU et la Russie, le désaccord est très profond à propos des ces chiffres. L'Onu affirme que «44% du blé a été livré aux pays à faibles et moyens revenus et 64% de l'ensemble des céréales à des économies émergentes», mais les données fournies par la Russie sont totalement différentes. Un communiqué de la diplomatie russe, rendu public le 21 janvier dernier, soutient dans ce sens que «les pays à revenu élevé (l'UE, le Royaume-Uni) ont reçu 8,6 millions de tonnes de marchandises (47%), les pays à revenus supérieurs à la moyenne (la Chine, la Jordanie, la Malaisie, etc.) 6,1 millions de tonnes (33%). Les pays à revenus inférieurs à la moyenne (le Bangladesh, l'Inde, l'Indonésie, le Pakistan) 2,9 millions de tonnes (16%). Quant aux pays dans le besoin (la Somalie, l'Éthiopie, le Yémen, le Soudan, l'Afghanistan et Djibouti), seuls 3% y ont été expédiés.

En premier lieu, donc, l'ONU et la Russie auront à se mettre d'accord sur les destinations des cargaisons de blé avant de parler de prorogation du délai de l'accord céréalier. Chose très improbable. Mais, on pourrait aboutir à une reformulation de l'accord avec des précisions sur les destinations des cargaisons de blé selon une traçabilité infaillible. Parce que, en toute logique, la Russie n'accepterait jamais que des pays qui participent activement aux sanctions ciblant son économie soient les premiers bénéficiaires de l'accord en question, qu'elle aura signé en leur faveur sous un autre titre, celui de ne pas affamer les pays pauvres, africains notamment. En sus, la Russie se plaint du non-respect du mémorandum signé par les deux parties (Russie-ONU) concernant les engrais russes, qui devaient échapper aux sanctions antirusses, alors que des milliers de tonnes restent bloquées dans les ports européens, selon Moscou.

En clair, la Russie ne dit pas niet à la prorogation de l'accord céréalier, mais elle met des conditions pour garantir son exécution à la lettre. A l'ONU de faire un pas dans le sens de rassurer Moscou.