Un de mes amis ne veut pas regarder vers le passé, et il veut filer droit vers son avenir, vers le futur de tous les bonheurs. Il croit qu'en regardant vers le passé, il perd son temps et gâche ses chances de réussite, en ruminant ses regrets. O comme sont durs les regrets que quelques mauvais souvenirs font remonter au gosier.

Cela a un arrière-goût d'amertume, difficile à supporter. Faut-il oublier alors le passé ? Faut-il oublier son passé ? Autrement dit, peut-on dire que le passé, le nôtre, importe peu, et c'est le temps d'ouvrir une nouvelle page, toute vierge, où l'on inscrira notre nouveau parcours, notre nouveau C.V, délesté de toutes ses impuretés et de toutes ses mauvaises passes ? Atroce questionnement ! Oui, atroce, l'adjectif n'est pas de trop, à vrai dire, dans la mesure où cela nous met face à nos contradictions. J'ai beau expliquer à mon ami que le passé est la base du présent et du futur, en vain. C'est alors que j'ai essayé de schématiser un peu ma vision, en empruntant l'image des rétroviseurs de la voiture, sans lesquels il serait presque impossible pour un chauffeur, aussi expert soit-il, de conduire dans une autoroute.

Autrement, dans ce cas de figure, ce dernier aura commis déjà nombre d'accidents. Puis, imaginons, poursuis-je, qu'en voulant tourner dans une intersection, ce chauffeur-là n'a pas mis de clignotant, celui qui roule derrière pourra facilement le percuter. Cela dit, regarder en arrière est aussi important que regarder en avant. Cela nous aidera à défricher la route, à la baliser et voir mieux là où l'on va. C'est pareil pour les êtres que pour les pays de façon générale.

Un connaisseur a dit un jour, sous forme de boutade à un homme qui s'amuse et s'en fout du passé : « Si le Bon Dieu est incapable de refaire l'histoire, les historiens le peuvent ». La boutade de ce connaisseur est pleine d'enseignements. Elle prouve que rien ne peut se faire sans le passé.

Car, ce dernier est une lumière qui éclaire et le présent et le futur. En ce sens, il serait quasiment impossible de commencer un livre à la page 60, en prétendant avoir tout compris, sans avoir lu toutes les pages précédentes !

Comme dans un bouquin, tout est continuité, toute est lié, tout est relié et rien qu'un maillon qui manque à la chaîne, la compréhension du phénomène, de la chose et de la vie de façon générale, devient une entreprise vouée d'avance à l'échec.