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Evaluation leurrée

par Abdelkrim Zerzouri

Le phénomène du gonflement des notes est-il en train de brouiller gravement l'évaluation réelle du parcours scolaire des élèves ? Le problème semble très profond, au point d'avoir brisé la confiance du ministère de l'Education dans le système d'appréciation du niveau des élèves sur la base des notes obtenues durant l'année scolaire, au sein de leurs établissements.

Le ministre de l'Education nationale, Abdelhakim Belabed, a clairement exprimé ses soupçons sur ce registre en révélant, lundi 6 juin, dans une déclaration à la presse, à l'issue de sa visite au siège de la direction de l'Éducation d'El-Meghaïer, où il s'est enquis du déroulement de l'examen du Brevet d'enseignement moyen (BEM), qu'une réflexion est engagée pour procéder à la révision du coefficient de l'examen du BEM, en vue «d'éviter que les notes soient gonflées au sein des établissements scolaires». Il faut savoir que le système de calcul de la moyenne de passage à la classe supérieure (1re Année secondaire) dans le cas d'une moyenne du BEM inférieure à 10/20, celle-ci s'additionne à celle de l'évaluation continue durant l'année par les enseignants au sein de l'établissement scolaire de l'élève et se divise par deux.

Si on augmentait donc, le coefficient de l'examen du BEM à deux ou plus, les notes obtenues au niveau de l'établissement scolaire auraient moins d'incidence sur le calcul de la moyenne exigée pour le passage au cycle secondaire. C'est une solution perspicace, mais le problème du gonflement des notes reste entier, poussant également le ministère à rétablir, dès l'année prochaine, l'examen de fin du cycle primaire. Comment remédier à cette situation ? Le fait de se tourner vers une solution hors du domaine de correction des anomalies dans le système d'évaluation continue au sein des établissements scolaires, en l'occurrence l'augmentation du coefficient du BEM, en dit long sur l'incapacité pédagogique de redresser les torts. Il faut relever à ce propos que le phénomène du gonflage des notes sévit un peu partout dans les systèmes éducatifs de plusieurs pays, dont certains occupent des rangs assez hauts en matière de développement et de performance de leur système éducatif. Mais, dans ces pays, on a dû affronter le problème ouvertement, en s'attaquant à ses racines, au sein des établissements scolaires et avec les enseignants, qu'on n'a pas manqué d'impliquer, en cherchant à connaître les causes qui les poussent à gonfler les notes des élèves, sans aucun jugement préalable.

Ne serait-on pas mieux avisé de lancer, en parallèle à l'étude visant l'augmentation du coefficient du BEM, une enquête pédagogique pour connaître les raisons derrière la modification des résultats obtenus par certains élèves ? Car, le gonflage des notes est un fait accompli, implicitement reconnu par le ministre lui-même, et qu'on peut détecter sans grandes difficultés, en procédant à une comparaison des résultats des examens avec les résultats de l'évaluation annuelle dans les établissements scolaires (lorsque l'écart est flagrant entre les deux, cela pourrait signifier qu'il y a eu gonflage des notes). Peut-être qu'il faut commencer par changer le système d'évaluation du rendement des établissements scolaires sur la base d'une gestion axée sur les résultats pour remettre les pendules à l'heure. Peut-être, aussi, que le problème est plus profond, et que la clé est entre les mains des enseignants, qu'il faut dissuader de donner aux élèves des évaluations qui ne reflètent pas les apprentissages.