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« Hakda ! »

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Je me souviens, durant les années 70, je crois, la Sntf avait lancé une grande campagne de publicité (par affichage public et le concours de notre Slim national) consacrée au respect par les voyageurs du matériel de la compagnie (jets de pierres, sièges et vitres détériorés...). Avec une grande interrogation, démontrant assurément plus que de l'incompréhension, mais un désarroi devant des comportements aussi dommageables. « Pourquoi ? ». Au bout de quelques jours, la réponse est venue par le biais de grosses ratures : « Parce que ! » (« Hakda ! »).

On ne peut pas dire que la campagne et celles qui ont suivi ont « payé » car le « hakda » a continué ses méfaits de plus belle causant des dégâts matériels importants et même parfois des dégâts humains et la solution au problème reste encore à trouver. Il faut qu'elle le soit assez rapidement car le mal est là, bien présent et essaimant. C'est ainsi que le tout nouveau, tout beau, le bien cher (175 millions de dollars) bateau de transport de voyageurs d'« Algérie Ferries » , réceptionné le 5 août 2021, le « Badji Mokhtar III » , effectuant sa première traversée, a offert, à son arrivée à Alger (dimanche 7/11) , revenant de Marseille un spectacle de désolation :dégradation, vols, atteintes aux personnes , « une véritable déchetterie ». Le témoignage d'un haut degré d'incivilité des passagers. Pourquoi ? On cherche encore la réponse, non auprès des responsables lesquels, comme d'habitude, trouvent toujours des « excuses » ou n'oseront pas accuser directement le client, ou botteront en touche en se plaignant aux « autorités compétentes », mais auprès des sociologues et des chercheurs. Car il y a bien des raisons au « hakda » : financières ?, politiques ?, psycho-sociologiques ? De la haine ? Du ressentiment ? De la méchanceté gratuite? Mais aussi, peut-être, un service de sécurité lacunaire, des promesses de confort et de respect des horaires non tenues, l'absence de contrôle continu et rigoureux, l'absence de sanctions quasi immédiates ? Les « attaques » de trains (dont les jets de pierre et les cas de malveillance) sont toujours là.

On a vu un certain temps un irrespect des protocoles et des consignes à bord d'aéronefs (note : dans les avions algériens, mais étonnamment pas dans ceux étrangers!), comme l'occupation des sièges et le gabarit des bagages à mains. Globalement tous les moyens appartenant à la collectivité au « beylik ». Voilà donc le tour des bateaux. Pour le tramway, on a noté pas mal d'incidents. Quant au métro...

Les amendes infligées aux coupables détectés par les caméras intérieures suffiront-elles à dissuader ce genre de comportements ? Pas si sûr ! Peut-être des « interdictions » d'utilisation pour les personnes « fichées»... à l'image des supporteurs de foot dangereux.

Ce qui est sûr, c'est que le mal semble bien enraciné dans la vie des Algériens, présentant un coût économique, social et moral important pour le pays et clochardisant à terme les moyens (trop modernes !) mis à leur disposition. « Les incivilités traduisent la détérioration du lien social, mais aussi un manque de responsabilisation individuelle. Elles seraient le symptôme d'une crise de la citoyenneté et du vouloir vivre-ensemble ».