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A propos de quelques tableaux posés par terre

par Amine Bouali

Un événement capital a eu lieu récemment dans une ville de l'intérieur de notre pays, et de mémoire de ses habitants, jamais un «individu» n'avait osé commettre un tel pied de nez à la tranquillité publique et à l'engourdissement général.

Ce jour-là, un homme, un artiste, a exposé ses tableaux de peinture en pleine rue, sur la grande place de la cité, au vu et au su de tous, sans craindre le conformisme ambiant, les sarcasmes ordinaires, les interdictions policières. Un scandale qui aurait mérité un procès en bonne et due forme !

Lorsqu'une toute petite exposition d'œuvres d'art sur une place publique d'une ville d'Algérie devient presque un événement exceptionnel, non pas d'un point de vue strictement culturel mais au niveau sociétal, et suscite une curiosité, un sentiment d'étonnement, disproportionnés avec la portée habituelle d'une telle initiative (y compris à travers ce billet de presse) c'est qu'il y a «péril en la demeure», c'est que notre quotidien est dangereusement sevré d'art, de beauté, d'air frais, privé de ce qui fait l'essence de la vie, tout simplement !

Chacun peut constater en arpentant les rues de nos villes, combien celles-ci sont devenues tristes, combien nos regards sont devenus absents, à quel point le sourire a déserté nos visages, comment l'ennui s'est emparé de nos vies, comment les sentiments de la vacuité et de l'absurde ont presque détruit nos rêves et ceux de nos enfants.

C'est pour toutes ces raisons (et pour d'autres) que trois ou quatre tableaux de peinture posés sur le goudron d'une place publique ont mis, ce jour-là, un peu de chaleur au cœur des promeneurs, dans cette ville de l'intérieur de l'Algérie (et pourquoi pas, demain, de tous les visiteurs étrangers à venir ?) puisqu'ils leur ont rappelé que l'Algérie pouvait être belle et prodigue, mais à condition que ses enfants l'aiment, la protègent et en prennent grand soin.