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La rue des taxis

par Hamid Dahmani

Autrefois, au tout début de l'indépendance, il y avait une petite voie discrète dans la ville d'El-Asnam, qui était désignée comme la rue des taxis en référence à la station qui y était domiciliée. Jadis, les taxis de la ville avaient une couleur bleu ciel. Et, avec le temps, ils sont devenus jaunes. «Des goûts et des couleurs, on ne discute pas». La petite ruelle, ombragée par des ficus, leur est réservée depuis que la ville d'El Asnam a réglementé cette profession par une licence d'exploitation.

Aujourd'hui, elle porte le nom du valeureux chahid Abdi Benali qui a rejoint très tôt les rangs du militantisme. Né en 1932 dans la wilaya de Chlef, il a été membre de l'OCFLN en 1956 et a participé activement à la révolution. Il est tombé au champ d'honneur en 1957.

Pour les citoyens de la ville, c'était la rue des taxis puisqu'elle abritait l'unique station existant avant le dernier tremblement de terre.

Plusieurs modèles de voitures telles que les Peugeot 403, 404 et 504, et bien d'autres marques d'automobiles faisaient le décor de cette station où l'on pouvait s'y rendre à tout moment de la journée pour prendre un taxi pour n'importe quelle destination. Pour se faire plaisir, «n'rouh nekri taxi!», dit-on à ce jour, pour aller d'un endroit à un autre.

Ô, combien de voix célèbres dans le monde ont vanté le bonheur de prendre le taxi. Les chauffeurs de taxis étaient soumis au port de la tenue obligatoire et on ne badinait pas avec le service. On se rappelle encore des noms des anciens chauffeurs de taxis qui ont honoré ce métier par leur sérieux et leur honnêteté. Des noms notoires qui ont marqué cette époque où il était une fois la ville d'El-Asnam. Des chauffeurs qui ont fait honneur à leur métier.

Cette rue nous transporte pour goûter au souvenir d'hier, à chaque fois que nous la revisitons. Il y a toujours les murs de l'ex-siège de la banque nationale d'Algérie et l'ancien bar reconverti en agence de tourisme, à coté duquel se trouvaient une boucherie et quelques petits commerces avant le dernier séisme.

Cette rue est ouverte sur la rue des martyrs et donne directement sur la poste. C'était l'endroit préféré de Khelifa le boxeur, l'ex-maire d'El Asnam, qui aimait passer ses moments libres avec ses amis.

Une anecdote retrouvée dans les archives de la ville raconte qu'une mise à pied de huit jours est infligée le lundi 19 août 1940, par le maire, à B. A, exploitant d'un taxi-auto à Orléansville immatriculé sous le n° 9621 AL 13, pour avoir réclamé à tort 10 francs pour le prix d'une place de la gare en ville à un voyageur arrivant par le train d'Oran, le samedi 17 août, à 2 h du matin. Taxi et taximètre semblent ne pas faire bon ménage dans le pays depuis son invention. Ce petit compteur très utile pour mesurer la distance parcourue et le prix de la course à payer pour éviter les abus reste à ce jour boudé à Chlef.

On se rappelle encore des moments de la journée où, dans l'attente du prochain client, les chauffeurs de taxis, profitant du moindre moment de répit, retroussaient les manches et prenaient un seau d'eau et une éponge et nettoyer leurs voitures pour les rendre attirantes.

La rue Abdi Benali est chargée d'histoires et d'anecdotes. Aujourd'hui, c'est une voie très animée, elle est fréquentée par la gent féminine, omniprésente ici et dans les rues adjacentes de Zankat Zouaoua. Elle fait partie de ces ruelles où fleurissent les magasins d'effets vestimentaires féminins et où les familles viennent préparer le trousseau de la future mariée. Bien entendu, après le trousseau, il ne faut pas oublier de réserver le taxi pour le transport de la mariée et des convives.