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Les «intellos»! dégagez gaâ?

par Belkacem Ahcène Djaballah

On entend (et on lit) souvent dire que le pays n'a pas d'élite, n'a pas d'intellectuels, n'a pas d'intelligentsia, n'a pas de penseurs, n'a pas ... n'a pas... Des constats, élaborés vite-fait, produits d'une réflexion « en diagonale », beaucoup plus destinés aux copains, aux médias et aux réseaux sociaux, frisant parfois le mépris. C'est, en tout cas, une certaine ignorance de la chose intellectuelle vraie et, surtout, entretenant une certaine confusion, volontairement ou non, des concepts : « Elite », « Intellectuel », « Leader », « Penseur », etc. Il est vrai qu'on ne parle plus que d'« influenceurs (-euses) ».

On a vu, un jour, toute une pièce de théâtre montrant l'« intellectuel » comme étant une personne non agissante dans sa société. On a même entendu, un autre jour, un ancien décideur, traiter de « lâches » les intellectuels face aux situations complexes rencontrées. Une « attaque » bien facile à mener lorsqu'on sait que le terrain de jeu national était, bien souvent et ce depuis bien avant 62, lourdement miné. Quelle que soit votre position, critique ou non, vous trouverez toujours quelqu'un qui sortira du bois (et/ou de la foule) pour vous « descendre en flammes » et vous laminer. Et, encore heureux si, par la suite, vous ne vous retrouvez pas insulté ou diminué ou diffamé ou « tabassé », ou renvoyé au foyer gérer votre nouveau stress et/ou votre prostate, ou marginalisé, ou sur une chaise roulante... Et « Facebook », avec sa floraison de pseudos, n'a pas arrangé les choses ! On vous ressort même les erreurs de sa prime jeunesse dont on sait pourtant les élans incontrôlés.

Premier constat :

Les attaques viennent (ou sont venues), la plupart du temps, sinon toujours, de nouveaux politiciens, pour bien d'entre-eux déçus de ne pas avoir été rejoints par des « spin doctors » qui leur auraient permis de présenter des programmes politiques bien plus élaborés et des angles d'attaque efficaces.

Elles viennent (ou sont venues), aussi, de décideurs qui, n'étant pas arrivés à exploiter totalement, comme ils l'entendent, les matières grises de ceux « qui écrivent,qui créent et qui crient », remâchent leurs rancunes par la critique, l'invective et, parfois, l'insulte directe ou déguisée.

Elles viennent (ou sont venues) de pseudos intellectuels qui, parce qu'ils arrivent à plastronner tous les vendredis, dans les cafés et salons de quartier (et, désormais dans les rues d'ici... et d'ailleurs), se posent en maîtres de la pensée, mélangeant religion et politique, passion et raison, idées et idéologies, esprit critique et esprit de critique... Elles viennent, aussi, d'anciens vrais intellectuels qui, aujourd'hui, se retrouvent dépassés par le cours des choses sociétales qui se développent à une allure folle, sans respect pour les formes classiques de la pensée et sans passer par les canons habituellement admis de la critique.

Elles viennent d'intellectuels eux-mêmes qui, bien que dignes du nom, en veulent à une jeune et nouvelle concurrence qui pointe du nez, à travers des formes culturelles assez iconoclastes et empruntant des voies technologiques nouvelles ainsi que des langages inhabituels tant en langues nationales qu'en langues étrangères. Elles viennent, enfin, pourquoi le cacher, de certains citoyens de niveau très moyen, incapables de se hisser à la hauteur nécessaire, et nourris à la culture quotidienne d'informations (écrites, radiotélévisées et/ou « facebookéisées ») bassement populistes.

Bref, l'intellectuel est attaqué de toutes parts, et ce n'est pas parce qu'il ne se défend pas ou se défend peu ou se défend mal que les autres ont raison. Et, comme le dit si bien Michel Audiard, comme « un intellectuel assis va moins loin qu'un con qui marche »... notre homme est indubitablement à l'étroit partout. Aujourd'hui plus qu'hier. Un peu plus ici qu'ailleurs, certainement. Et, le « hirak » actuel l'a encore bien plus « enfoncé »... le transformant en « orphelin de sa société ». Surtout s'il n'arrive plus à ... marcher... tous les Vendredis !

C'est pour cela qu'il faudrait d'abord et surtout clarifier ? en termes simples et directs pour que tous comprennent - les concepts qui, chez nous, ont, toujours, des acceptions « adaptées » à nos mœurs et nos calculs ... et à nos « intellects ». Un personnage (Gabin ? Signoret ?) disait, dans un film, une autre réplique d'Audiard, : « les cons, ça court les rues » ! Encore que chez nous, les vrais cons sont ceux qui sont bien assis... les autres, les intellos, ceux qui pensent et agissent, étant obligés de courir les rues (et des lieux d'expression productifs) à la recherche de leurs libertés confisquées ou détournées.

Résultat des courses : on attend toujours un Vaclav Havel ou un Lech Valesa ou un N.Mandela... la résurrection de F. Abbas, de L.Ben M'hidi ou de Abane (en moins « carré » pour ce dernier) ... ou le retour de H. Ait Ahmed (en plus jeune)... ou... le retour de Said Sadi (en moins tranchant) et de N.Boukrouh (avec plus d'expérience) ou de Redha Malek (en plus « sociable » ) ou de M. Mammeri en plus politique ou de M.Feraoun (en moins timide)... Bref, on attend un intellectuel, si possible encore jeune mais pas boutonneux, devenant rapidement un homme politique expérimenté par la force des situations, par hasard ou par nécessité, mais avec des idées claires et modernes et un engagement sans faille, transparent et honnête, sans retournement de veste et sans (gros ou même tout petit) fil à la patte ; et non « promu » en raison du nombre des postes, ou des canapés, déjà occupés, ou en raison du seul poids de ses déclarations (à la télé, entre autres) ou de ses fetwas, et encore moins par la grosseur de son compte en banque ou de son influence de corrupteur.

L'espoir fait (sur-) vivre ! D'accord avec ça, les jeunes... et les pas encore vieux ? Ou, alors, « Elites, Intellos, Entre-deux et Cie, Barakat, dégagez gâa ! ». Une formule passe-partout... malheureusement assez efficace ; surtout dans un pays (musulman) où « l'intellectuel musulman appartient à toute la communauté (Haddad Malek, in « L'élève et la leçon ». )