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One, two, three, viva l'Algérie

par Moncef Wafi

Lors de ces deux derniers matches face à la Côte d'Ivoire et le Nigeria, il y avait 42 millions de joueurs sur la compo d'équipe de l'Algérie. Tout un peuple s'est identifié à ses guerriers du désert, particulièrement dans un contexte de révolution, et les Verts sont devenus, le temps d'une CAN, le pendant sportif du Hirak. Sur le terrain, on a assisté à la résurrection d'un team sans âme, livré aux mains de coachs de cinquième zone et laissé en pâture aux appétits claniques d'une fédé au centre d'intérêts personnels et véritable levier d'influence populiste. Sur le terrain, les Fennecs se sont métamorphosés en lions, écrasant tout sur leur passage, rugissant devant des Eléphants en déroute et mordant à la carotide d'Aigles volant en rase-mottes. Avant le coup d'envoi du tournoi africain, personne ne donnait cher de la peau des petits frères de Belmadi, lui le mal-aimé, l'entraîneur que l'establishment a toujours refusé. Lui, le coach par défaut, imposé par le peuple du foot qui avait vomi Madjer et son brushing. Tout comme cette équipe de combattants aguerris, de talents confirmés et de révélations prometteuses, personne ne donnait un sou de crédit au 22 février, lorsque les Algériens ont investi la rue pour réclamer le départ du système. On pensait que le samedi allait tuer les velléités révolutionnaires, que la peur allait reprendre ses droits et que le sommeil de vingt ans allait encore se prolonger pour un autre mandat. Et la délégation algérienne a chanté l'hymne national sous le ciel égyptien comme des millions de poumons l'ont fait et le font depuis le 22 février, à chaque vendredi de la contestation. Et les joueurs ont couru, sué, donnant le maximum de chacun, retrouvant la foi et la ferveur comme ces millions d'Algériens qui marchent, qu'il vente ou que le soleil remplace les matraques. Et les deux quêtes convergent pour l'amour d'un pays. Comme le Hirak, le combat des Verts s'interdit toute récupération politique et ce n'est pas l'intrusion du pouvoir effectif ni de son représentant civil de façade qui va changer quelque chose. Les supporteurs transportés vers Le Caire le savent très bien, eux qui ont repris les slogans phares de la mobilisation sur la terre des pyramides, eux qui ont chanté «trouhou gâa» et «imazighen». Les joueurs et tout le staff technique l'ont également compris se mettant à l'abri de toute extrapolation propagandiste qui pourrait servir les uns et les autres. L'épopée des Verts a ouvert les appétits et les petits serviteurs zélés de tout pouvoir en place commencent déjà à se manifester, à l'exemple d'un Boudjerra qui proclame que la victoire de l'EN est la voie vers la présidentielle. En somme, on n'achète pas un peuple qui marche comme on ne défait pas une équipe sur la route de la gloire.